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Christoblog

Articles avec #j'aime

Les bien-aimés

Dans Les Biens-aimés Christophe Honoré renoue avec le style qui fit le succès des Chansons d'amour : des passages chantés écrits par Alex Beaupain, une histoire mêlant amour et mort, homo et hétérosexualité, et enfin une pléiade d'acteurs tout entiers acquis à la cause du film.

Les deux films, au-delà de leur parenté formelle, sont pourtant assez différents. Les chansons d'amour creusaient en effet un sillon éminemment parisien, et son ton était délibérément romanesque (à l'image d'un Louis Garrel plus cabotin que jamais).

Ici, Christophe Honoré paraît assagi, mélancolique. L'histoire s'étire au long de plusieurs décennies, visite quantité de lieux (Prague, Paris, Londres) et se frotte à quelques grands évènement (le printemps de Prague, l'apparition du sida, le 11 septembre). Honoré sort donc apparemment de ses tropismes habituels, tout en y restant, car sous la surface rutilante du monde et de ses changements (chaque époque est très bien rendue) les sujets du film sont typiques d'Honoré : l'Amour, la Légèreté, la Deuil.

Au coeur du film, les deux personnages féminins sont merveilleux : Madeleine (jouée jeune par une incroyable Ludivine Sagnier, puis par une Catherine Deneuve plus coquine que jamais) et sa fille Véra (magnifique Chiara Mastroianni). La mère est une femme légère dans une époque qui s'y prête (les années 60), la fillle voudrait l'être mais croise un amour impossible dans une époque qui est bien pesante (les années 2000). Le fil conducteur du film, comme le refrain d'une des chansons le dit, pourrait donc être : "Les filles légères ont le coeur lourd". La scène durant laquelle est chantée ce morceau est représentative de ce qui fait la qualité du film : sobriété, intensité dramatique de ce qui se dit, mouvements de caméra discrets mais parfaitement au service de la scène (oh les beaux travellings !), jeu parfait des actrices.

Autour de ces deux phares féminins gravitent des hommes qui les vénèrent, les aiment, mais peinent à les rendre heureuses. Il faut noter que Milos Forman et Michel Delpech sont tous deux excellents. Louis Garrel, pour une fois, fait preuve d'une certaine retenue, tout en lâchant quelques saillies dont il a le secret. Deux quasi-inconnus - en tout cas pour moi - (Paul Schneider et Rasha Bukvic) complètent à merveille la plus belle distribution de l'année.

Les chansons de Beaupain surprennent toujours, à la fois simples, profondes, osées (les rimes délite/trique/(or)bite/(spout)nik). Elles constituent un élément important du film en éclairant les personnages de l'intérieur. La façon dont se répondent la première (Je peux vivre sans toi, pleine d'espièglerie) et la dernière (Je ne peux vivre sans t'aimer, pleine de tristesse) donne la juste mesure de ce film ambitieux et idéalement réussi : il conte le temps qui passe.

Si Christophe Honoré n'existait pas, qui nous parlerait d'amour ?

 

4e

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La guerre est déclarée

Vu en avant-première à Nantes, en présence de Valérie Donzelli et de Jérémie Elkaïm.

La guerre est déclarée parle de la même chose que Melancholia : la fin du monde. Littérale dans le film de Von Trier, relative dans celui de Donzelli, puisqu'il s'agit, pour des parents, d'apprendre que leur enfant est atteint d'une grave maladie. Dans le premier cas, la palette de réaction des personnages est le déni, le suicide, la colère. Dans le deuxième, la fureur de vivre, l'amour, l'espérance. Les deux titres peuvent donc se regarder comme dans un miroir : la guerre est déclarée à la mélancolie.

D'un côté, un metteur en scène un peu usé, tournant en rond autour de ses obsessions dans un beau geste formellement brillant, de l'autre une jeune réalisatrice fonçant droit devant, sans craindre de bousculer les conventions. Dans les deux cas, des films sur le fil, qui ne tiennent que par la grâce de la personnalité et du vécu de leur auteur.

Ce qui me frappe dans le film de Valérie Donzelli, c'est l'extrême audace stylistique et l'efficacité rythmique.

Audace, parce que le film - si on le regarde avec attention - est fait de bric et de broc, à un point qui pourrait nuire à sa cohérence. Sa variété de tons est insensée : on passe d'un thriller monté à la hache (le départ en TGV) à une sorte de comédie allenienne à la française (les premiers amours), en passant par des accents truffaldiens (les parents), des inspirations mallickienne (ces inserts de cellules humaines), des éclairs lelouchiens (la dernière scène, très Un homme et un femme - et un enfant). Il y a aussi une chanson à la Honoré, des effets de couleurs très almodovariens (les personnages ont des T-shirt de la couleur du canapé et du papier-peint), une façon de montrer les hôpitaux qui rappelle Urgences, des ralentis, des accélérés, des effets sons étonnants, une Rancho verte, une fête foraine, une soirée open kiss et 1000 autres choses.

Rythme, parce que tout cela ne tient la route que parce que le film fonce à 100 à l'heure. Miracle d'un montage au cordeau, d'une progression scénaristique millimétrée et d'une bande-son époustouflante, bien que complètement hétéroclite.

La guerre est déclarée est donc un patchwork que certains trouveront peut-être indigeste mais qui transpire une énergie incroyable, le type d'énergie que je n'avais pas ressenti au cinéma depuis ... les premiers Spike Lee ? Le tout est trituré avec une intense intelligence - et une distance adorable (ah ce clin d'oeil avant d'entrer en salle stérile) par Valérie Donzelli, ce qui nous promet de beaux lendemains. Quelle pêche, quelle envie, quelle énergie tonitruante !

Probablement un des films les plus importants de l'année, qui suscitera l'ergotage de froids esthètes et laissera peut-être une partie du public en route ... mais pour ceux qui adhéreront comme moi, révolutionnaires du coeur, quel plaisir et que de larmes !

Choisissez votre camp, la guerre est déclarée.

 

4e

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Les contes de la nuit

StudioCanalMichel Ocelot ne fait rien comme tout le monde. Alors que Azur et Azmar avait été conçu avec un logiciel en 3D, pour être finalement distribué en 2D, Les contes de la nuit sont cette fois-ci proposés en 3D alors que les personnages sont des ombres chinoises, donc "plats".

L'effet produit, s'il n'est pas désagréable, reste toutefois assez anecdotique. On remarquera ici où là des sur-impressions de noirs en relief qui produisent des impressions intéressantes. Le dernier conte, spécialement réalisé pour le film (les 5 premiers sont des reprises d'une série réalisée pour la télévision) utilise des effets plus classiques : monstre plongeant vers le spectateur où pluie d'étoiles envahissant l'espace situé entre le spectateur et l'écran (assez joli).

Sur le fond, on retrouve la magnificence des arrières-plans, capables de nous faire passer de l'Amérique précolombienne au Moyen Age en passant par le Tibet et les Antilles, tout en déversant des torrents de couleurs. Les histoires, quant à elles, sont d'un intérêt variable, et ne marqueront pas les esprits. Entre les contes, le film propose une mise en abyme qui ne m'a pas convaincu :  dans une salle de cinéma un vieux monsieur, une jeune fille et un jeune garçon s'amusent à construire des histoires. Ces scènes font un peu cheap. Je n'ai pas été séduit par l'exposé de la documentation réunie pour chaque conte, présentée d'une façon scolaire et rudimentaire.

De beaux moments et une perfection esthétique par moment, mais qui n'empêchent pas un certain ennui de s'installer.

 

2e

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The murderer

J'avais été de ceux qui avait dit beaucoup de bien de The chaser, le premier film de Na Hong-Jin.

Pour son deuxième opus, le jeune réalisateur coréen n'hésite pas à tenter quelque chose de beaucoup plus difficile. The chaser était en effet une variation assez roublarde sur le thème du serial killer, alors que The murderer est une fresque au long cours (2h20 !) qui mêle chronique sociale, découverte de la communauté des sino-coréens de la province chinoise de Yanbian, film gore, exercice de style hyper-violent, film sentimental, enquête policière et film à énigme.

Le plus remarquable est probablement la mise en scène, très caractéristique et basée sur des a priori  extrêmement pointus : une caméra légèrement flottante même dans les plans fixes (comme si elle était montée sur une bouée flottant sur une mer tranquille), un montage super-speed (95 % des plans doivent faire moins de 3 secondes) même dans les moments calmes, et une bande-son très travaillée. L'impression résultante est une sorte d'hyper-réalisme, à l'opposé exact de l'hyper-formalisme développé par Kim Jee-Woon dans J'ai rencontré le diable.

Le film, très intéressant dans sa première heure, devient ensuite une sorte d'enfilade de climax violents. La hache, le couteau et toutes les armes blanches sont copieusement utilisées pour sectionner, fendre et entailler les différentes parties de plusieurs dizaines de corps humains. A certains moments le grand-guignol n'est pas loin, mais comme l'ambiance reste réaliste, le spectateur est pris entre plusieurs sentiments contradictoires : rire, frémir, anticiper la scène suivante, ou sortir de la salle, comme l'on fait 5 spectateurs. La deuxième partie du film est donc une sorte de circuit de montagnes russes (calme, violence, développement de l'intrigue, calme, violence..) qui semble ne jamais devoir finir. Le scénario progresse en hoquetant et trébuchant, à grands coups de révélations fracassantes, de digressions inexpliquées, d'ellipses géantes, de montage en parallèle.

Une expérience borderline durant laquelle j'ai été à la fois intrigué, séduit et exaspéré. Trop longue sans doute et parfois trop riche, mais qui se finit sur une scène de toute beauté.

 

3e

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Jusqu'en enfer

Lorna Raver. Metropolitan FilmExportIl y a deux façons de considérer Jusqu'en enfer, le dernier opus en date de Sam Raimi.

Au premier degré, le film ne vaut pas tripette, avec son scénario de série Z qui tient sur un timbre poste. Les effets sont toutefois réussis et le film arrive à nous faire sursauter plus d'une fois, ce que l'indigent Scream 4 n'est même pas parvenu à faire.

Au second degré, le film a tout ce qu'il faut pour être culte. La première scène d'épouvante entre une affreuse vieille gitane et une croustillante petite blonde n'hésite pas à mêler effets horrifiques et éclats de rire. Ainsi, la pulpeuse héroïne utilise une agrafeuse comme arme de défense (cf résultats ci-contre), y compris sur l'oeil de verre de la méchante...
Cette dernière perd également ses dentiers inférieurs et supérieurs, et quand elle essaye de dévorer sa proie, la morsure se transforme en gros patin baveux. Etc, etc. Les exemples se multiplient, souvent à base de déjections corporelles diverses (vers, sang, matière verdâtre, globe oculaire projeté sous l'effet de la pression après qu'une enclume ait fracassé la tête, etc...).

On peut aussi voir dans le film une satire du goût de réussir qu'ont les américains. Après tout, rien de tout cela n'arriverait si l'héroïne n'était dévoré par l'ambition. Jusqu'en enfer film moral, y compris et jusqu'à la scène finale !

L'ensemble est réjouissant et se regarde comme une sorte de friandise de cinéphile, qui ne porte pas à conséquence mais servira indubitablement de référence désormais dans la catégorie  "Film d'horreur bien fait avec blondasse pulpeuse dégénérant en parodie de lui-même, sans qu'il oublie de faire peur au passage". 

 

2e

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Deep end

La mode est à la ressortie de classiques (ou d'introuvables) en salle. Ce fut le cas récemment avec Il était une fois en Amérique, un Fassbinder sera visible à la rentrée, les Kubrick font l'objet de rétrospectives, et le succès d'Une séparation entraîne la ressortie des deux films précédents de Farhadi.

C'est un peu intrigué que je me suis essayé à revoir ce "vieux" film (1970), culte pour une génération, comme le raconte Etienne Daho dans Libé.

Le début est un peu inquiétant. Il faut le temps de s'habituer aux couleurs typiquement 70ies et à la mise en scène très typée (gros plans, caméra très mobile, scènes s'étirant en longueur, qualité d'image très variable, extérieurs peu convaincants).

Puis la magie du film opère, par la grâce des deux interprètes principaux (Jane Asher et John Moulder-Brown) qui réalisent un sans-faute. Le scénario accélère progressivement, et prend un tour hitckocko-polanskien avec l'affaire de la bague, qui l'emmène vers des sommets de tension. Le film est aussi un fabuleux réservoir à fantasmes, les allusions au sexe étant omniprésentes et menaçant constamment par leur violence et leur crudité le fragile - mais indestructible - sentiment amoureux qui emplit l'adolescent. Parmi les scènes les plus crues on soulignera le quasi-viol de Mike par la grosse femme sur un air de football et celle, magnifique, dans laquelle il voit Susan vendre ses charmes, dans le reflet d'un miroir glissé sous la porte.

Les bains publics de Deep end entrent également dans le panthéon des sites les plus photogéniques de l'histoire du cinéma (avec la maison de Psychose par exemple). Les couleurs des décors et des vêtements y sont profondément expressives (parfois symboliques à l'extrême comme le rouge, présent dans le générique de début comme dans le dernier plan).

La tension sexe/amour, exacerbée par l'utilisation des très gros plans et des couleurs pops, donne au film un air d'épouvante psychologique, de sorte de giallo sado-masochiste et anglo-polonais sur le thème de l'adolescent qui tombe amoureux d'une femme mûre et instable.


Un film à voir, pour tout cinéphile qui se respecte.

 

4e

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Omar m'a tuer

Sami Bouajila. Mars DistributionAvant d'aller voir Omar m'a tuer on peut fortement craindre le pensum moralisateur et démonstratif, ou le film à thèse rigoureux mais pénible.

La (bonne) surprise n'en est que plus agréable. Car si le film est bien clairement à décharge, il ne néglige pas la finesse, ni l'exploration psychologique des personnages.

Comme beaucoup de commentateurs avant moi, j'ai été littéralement soufflé par la performance de Sami Bouajila qui arrive à nous faire ressentir les sentiments d'Omar Raddad avec une finesse et une conviction qui méritent ... un César ?
Le reste de la distribution est un peu moins convaincante, mais j'ai bien aimé le contrepoint offert par Denis Podalydes, qui nous laisse entrevoir un monde à l'opposé de celui d'Omar : celui des riches et des puissants.

Le film est très instructif par ailleurs, et n'a franchement pas besoin d'en ajouter aux faits, déjà hallucinants en eux-mêmes, pour nous convaincre que ce procès ne s'est pas joué dans des conditions normales.

D'un point de vue technique, on ne peut rien reprocher à la mise en scène. Elle est sobre, efficace. Le montage est particulièrement resserré, ce qui est assez rare pour être souligné. Le film dure 1h25, pas un plan n'est superflu.

Roschdy Zem est en train de rencontrer son public, et c'est très bien, il le mérite. En ce samedi pluvieux la salle était pleine, et on sentait les gens concentrés, émus, tendus. Un beau moment de vie, et de cinéma.

3e

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Hanna

Saoirse Ronan. Sony Pictures Releasing FranceUne jeune fille est élevée dans les bois par son père, qui la forme à être une machine à tuer. Un jour, elle rejoint la civilisation et doit tuer une certaine Marissa. Pourquoi ? Et qui est-elle vraiment ?

A partir de ce pitch intrigant Joe Wright développe un film assez plaisant, qui doit beaucoup à ses interprètes. La jeune Saoirse Ronan continue à impressionner de film en film. Je l'avais trouvée excellente dans Les chemins de la liberté, film par ailleurs moyen. Cate Blanchett est impériale en méchante et Eric Bana s'en tire avec les honneurs.

Peut-être parce qu'il se passe hors des USA, le film me rappelle la trilogie Jason Bourne : même tentative d'un certain réalisme, même errance d'un personnage pourchassé et complètement déphasé, même efficacité dans les scènes d'action, même utilisation optimale des décors.

Après un début tonitruant, le film s'essouffle un peu lorsque les personnages se retrouvent à Berlin. Tout devient alors plus classique.

On s'attache cependant à notre petite tueuse et le dernier plan venu, je n'ai pu m'empêcher de penser à une suite, que j'irais voir, c'est sûr. Un divertissement de bonne facture.

 

3e

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HA HA HA

Deux amis mangent une dernière fois ensemble avant que l'un d'entre eux parte à l'étranger. Le repas est montré à l'aide de photographies en noir et blanc. Chacun raconte alternativement (en voix off) ce qui s'est passé dans les dernières heures de sa vie. Ces tranches de vie font l'objet de flashbacks.

On découvre progressivement que chacun des deux amis, sans jamais se rencontrer, ont fréquenté les mêmes personnes, en étant parfois séparés uniquement par une fine cloison. Cette mécanique donne lieu à toute une série de situations légèrement burlesques, subrepticement décalées, dans lesquelles la comédie humaine déploie toute sa gamme de sentiments : humour, désespoir, dérision, amour, désillusion, violence, indifférence, cruauté.

Si les films de Hong Sang-Soo se ressemblent un peu tous, celui ci est particulièrement réussi. Le développement de l'histoire est très amusant à suivre, même si le réalisateur peut se révéler particulièrement cruel. Certaines scènes dégagent en effet une férocité très policée : une mère débite des atrocités sur le père devant son fils, un groupe "d'amis" éclate de rire autour d'en dépressif qui déclare sa maladie, et plus globalement, tout le monde critique tout le monde (et comme tout le monde s'essaye lourdement à la poésie ou au piano, les occasions ne manquent pas).

Le scénario est évidemment du grand ouvrage, qu'on dirait tissé main, chaque filament d'histoire étant subtilement relié aux autres. On relèvera les quelques objets qui se promènent d'un personnage à l'autre (la casquette rouge en particulier, ou l'appartement de la mère), les reliant plus sûrement entre eux que leur sentiments...

On retrouve avec beaucoup de plaisir les tics du réalisateur : un personnage de réalisateur raté, de l'alcool à profusion (tous les personnages semblent passer leur temps à en absorber), et un rôle prépondérant des femmes, beaucoup plus volontaires et positives que les hommes.

Le genre de film dont vous sortez avec la sensation d'être plus intelligent.

 

3e

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La prima cosa bella

Micaela Ramazzotti. Wild Bunch DistributionLes critiques sont globalement injustes vis à vis de La prima cosa bella. Certains lui reprochent d'être abusivement tire-larmes, d'autres comparent le film de Virzi à des chefs-d'oeuvre du cinéma italien, en particulier à Nous nous sommes tant aimés de Scola. Or le film est effectivement un mélo, ce qui n'est pas en soi un défaut, et le comparer à des films des années 70 parce qu'il se passe en partie dans les années 70 n'a pas beaucoup de sens.

Anna présente la double caractéristique d'avoir un corps superbe, tout en étant nunuche et optimiste. Cela en fait, aux yeux de certains, une femme volage, ce qui à mon avis est une preuve de strabisme critique. Le film est en effet beaucoup plus subtil dans sa façon d'analyser les rapports entre la mère et son environnement, dont font partie ses deux enfants : Bruno et Valeria. Le scénario alterne les séquences au présent montrant Anna en train de mourir (joyeusement), et les flashbacks reconstituant sa vie. J'admets que le procédé n'est pas d'une originalité folle, mais il fonctionne, avec des variantes plaisantes (le pharmacien).

Le film est servi par une brochette d'acteurs et actrices époustouflants (l'acteur et l'actrice principaux ont emporté chacun un Donatello, équivalent de nos Césars), en particulier Valerio Mastandrea qui joue un fils déprimé, ne s'assumant pas, et perpétuellement en recherche de drogues. Ce personnage de Droopy sous opiacés est vraiment craquant. J'ai également beaucoup aimé le moulin à parole qu'est le mari de Valeria. Je ne pense pas qu'il soit à l'écran sans parler (sauf à la fin bien sûr).

Comme dans tout bon mélo, le film ménage son lot de coup de théâtre : apparition d'un fils caché, mariage inattendu, séparation surprise. La mise en scène est relativement efficace, et parfois spectaculaire (à la limite du vulgaire, c'est vrai).

Un bon moment pour l'été, dans une atmosphère italienne à souhait, à savourer comme une gelato al limone.

 

3e

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Balada triste

SNDVoilà sans conteste un film qui ne plaira pas à tout le monde.

Du grand guignol (relativement) maîtrisé, de l'esbroufe assumée, de la bouffonnerie ampoulée : il y a de tout ça dans le nouvel opus d'Alex de la Iglesia.

On n'aime pas du tout, ou on se laisse emporter par le découpage ultra-speed, les changements de ton incessants et les audaces formelles (le plus souvent d'un affreux mauvais goût).

L'histoire est tellement grotesque qu'on a peine à la raconter sans rire : un enfant binocleux perd son père en 1937 dans des circonstances abracadabrantes, on le retrouve en 1973 essayant piteusement de devenir clown, comme son géniteur. Il tombe amoureux de la belle artiste blonde, propriété du patron du cirque (visiblement, et bien qu'il la frappe, ce sont les choses du sexe qui la fixe à lui). S'ensuit une compétition à mort entre les deux hommes qui comprendra (dans le désordre) : un duel dans le site bien connu de la Valle de los Caidos, diverses défigurations, dont une au fer à repasser brûlant, des mitraillages divers, la main de Franco mordue, l'absorption de viande de cerf crue, le suicide d'un homme volant à moto, un attentat terroriste projetant une voiture sur un toit...

C'est n'importe quoi et j'ai bien aimé, mais je ne garantis absolument pas que vous éprouverez le même plaisir que moi ! Si vous avez du goût, ce sera même probablement le contraire.
 

 

3e

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Blue Valentine

Michelle Williams. Films sans FrontièresUn couple à deux moments de son histoire : la rencontre amoureuse, et un triste week-end, 6 ans après.

La rencontre obéit aux canons du genre : coup de foudre pour lui, moins pour elle. Lui est issu des bas quartiers, peu diplômé, elle a un gros potentiel, elle pourrait devenir médecin. Elle tombe enceinte. Chez l'un comme chez l'autre on peut déjà discerner des traits de caractère qui s'avéreront décisifs ultérieurement.

6 ans après, le couple est au bord de la rupture : réussira-t-il à retrouver la magie des premiers instants dans la chambre futuriste d'un improbable love hôtel ?

Le film montre la décomposition de la liaison amoureuse avec une intensité qui est proportionnelle à la vacuité du pensum calamiteux de Sam Mendes, Les noces rebelles. Il est pour cela servi par un couple d'acteurs aussi discrets que brillants : Ryan Gosling, dont la transformation physique et comportementale entre les deux époques est impressionnante, et Michelle Williams, anti-spectaculaire à l'extrême.

Le montage alterné des deux périodes est remarquable (avec parfois des plans raccord, ce qui produit un effet vertigineux), la mise en scène est efficace. A noter que les deux époques sont tournée avec des techniques différentes : le passé en 16 mm et le présent en digital. Le film aurait probablement gagné en intensité en étant un peu raccourci, certains dialogues notamment mériteraient des coupes tant ils deviennent oppressants dans leur répétition, mais l'ensemble se tient remarquablement bien.

Le cinéma indépendant américain confirme son éclatante santé après Winter's bone, Beginners et La dernière piste.

 

3e

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Beginners

Mélanie Laurent. MK2 DiffusionJe tiens à le signaler immédiatement : c'est pour faire plaisir à mymp que j'ai été voir ce film. Comme il m'a fait envoyer deux invitations suite à jeu scandaleusement facile organisé sur son blog, je ne pouvais pas ne pas y aller sans le vexer. Vous voyez le topo.

Le film est mimi tout plein, et parfait pour les jeunes gens romantiques (ce qui n'est pas, malheureusement et a priori, mon cas).

En effet le film possède une sensibilité extrême. Il réussit parfaitement à faire ressentir cette sensation de solitude que Somewhere s'échinait sans succès à décrire. Ewan McGregor et Mélanie Laurent forme un très (trop ?) joli couple, et il semble y avoir une vraie complicité entre eux, qui est assez étonnante. Le film multiplie les inserts originaux : un chien qu'on voit penser, des photos d'époque, des dessins qui illustrent l'histoire. Beginners fait partie de la même catégorie que Medianeras, en tenant beaucoup mieux la distance que ce dernier.

Les thèmes évoqués sont assez tristes (la mort, l'inaptitude à aimer, la solitude, le poids écrasant des parents) mais le film curieusement ne l'est pas. Il faut dire que l'appétit de vivre du père, gay qui fait son coming out à 75 ans, est rudement entraînant (excellent Christopher Plummer).

Tout est donc quasiment parfait jusque vers la dernière demi-heure. A ce moment, je trouve que le film s'épaissit un peu. Cela correspondant au moment où Mélanie Laurent parle en français et devient tout à coup vulgaire, alors qu'elle était solaire jusque là. Et puis les "trucs" séduisants du début ne surprennent plus.

Au final, le film est tout de même tout à fait plaisant et incite à suivre la carrière de Mike Mills. Donc finalement, merci mymp...

 

3e

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Une séparation

Une séparation est impeccable et magistral.

Quelque soit l'angle sous lequel vous le considérez, il brille d'un éclat unique.

Prenons par exemple le scénario. Je n'ai pas vu une telle qualité et une telle intelligence depuis ... Rashomon ? La comtesse aux pieds nus ? Le film, après un démarrage curieux, un peu froid et en même temps brillant, devient à partir du début du conflit une extraordinaire machine a vous faire reconsidérer vos opinions. Le moindre petit évènement (un coup de fil passé, la position qu'occupait un personnage dans une pièce) prend une importance capitale. C'est racé, nerveux, méticuleux.

Considérons les acteurs. Qu'ils (et elles) aient décroché collectivement les prix d'interprétation à Berlin, en plus de l'Ours d'Or (un cas à ma connaissance unique dans l'histoire des grands festivals) n'est que justice. Ils jouent comme des instrumentistes virtuoses dans un grand orchestre : chacun exécute parfaitement son rôle. Bien entendu les deux couples principaux sont parfaits, mais la jeune fille est émouvante, la petite fille bouleversante, le grand-père apporte un poids presque magique à la situation, le juge est redoutable. J'ai été plusieurs fois étourdi par l'extrême qualité de l'interaction entre les personnages et par la finesse de leur jeu. Ils réalisent une performance collective admirable.

Quand aux différents niveaux de lecture du film, c'est le point qui en fait pour moi un réel chef-d'oeuvre. A la fois chronique sociale sur la vie d'aujourd'hui en Iran, drame sentimental, tragédie grecque, procedural, conte moral, exploration philosophique (où est la vérité, qu'est-ce que la responsabilité, l'amour ?), thriller psychologique et enfin film politique, au plus beau sens du terme, qui donne à voir ce qu'est le rapport de classes.

Le film est un bijou conceptuel, éthique et esthétique. Asghar Farhadi semble touché par la grâce et manie sa caméra sans ostentation, mais avec une précision chirurgicale et des idées brillantes (le générique de début à la photocopieuse, la première scène ou le spectateur tient la place du juge, les jeux de reflets durant tout le film).

Vous l'avez compris, vous n'avez pas le droit de ne pas aller voir ce film, il en va de l'honneur de notre pays de cinéphilie de lui réserver un triomphe !

Voir mon complément d'analyse : Le vide avec un film autour

 

4e

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Infiltration

Imaginez la première partie de Full metal jacket dans un camp d'entraînement israélien dédié aux appelés souffrant de handicaps physiques ou mentaux, et vous obtiendrez Infiltration. Qui porte d'ailleurs assez mal son nom, car d'infiltration il n'est pas question.

Au menu donc : des instructeurs sadiques et limités (Sir, yes sir !), des souffre-douleur, des gros durs qui ont des projets, des beaux gosses qu'on suit lors des permissions, des épileptiques russes, etc.

Le film est l'adaptation d'un gros roman à succès et c'est là une de ses limites : on sent qu'il y a potentiellement de la matière scénaristique pour deux ou trois films, voire une série. Chacun des personnages n'est donc qu'esquissé, et on en conçoit une légère déception. On se questionne d'ailleurs jusqu'au bout pour connaître les raisons qui font que les uns et les autres sont là, et je suppose que le roman apporte les réponses.

Malgré une belle interprétation, une aisance dans la narration et une mise en scène fluide et efficace, le film ne décolle jamais vraiment, maintenant notre attention tout juste au-dessus du niveau où l'intérêt s'étiole.

 

2e

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Medianeras

Un sympathique petit film : voilà comment caractériser le premier long métrage visible en France de Gustavo Taretto.

Lui est phobique (influence Woody Allenienne clairement revendiquée), elle est architecte qui ne construit rien et ne prend jamais l'ascenseur. Tous les deux sont seuls et cherchent l'amour, maladroitement.

Le film multiplie les inventions plus ou moins originales, comme si le réalisateur/scénariste jetait toutes ses bonnes idées d'un coup dans son premier film. Parmi les plus intéressantes il faut citer les passionnantes digressions sur l'architecture de Buenos Aires, et la scène du suicide du chien, qui m'a beaucoup plu.

C'est frais, ça se regarde sans ennui (avec toutefois un gros coup de mou vers le milieu) et ça inspire naturellement la sympathie. Typiquement le genre de film à collectionner les prix du public, consensuel, mignon, parfois percutant... et se terminant bien !

Les bégueules (dont je ne fais pas partie) disent que tout ça n'a pas beaucoup de fond et fait très bobo. Ils se gaussent de l'utilisation par le scénario des livres-jeux Où est Charlie ? Ces gens là n'ont pas de coeur, où ne sont pas seuls. Ou les deux.

 

2e

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X-men : le commencement

Dieu sait si je peux être réfractaire au concept de film de super-héros, et aux comics en général.

C'est donc un peu contraint par les bons retours sur ce film que je m'y suis rendu, et aussi parce dans le casting (il faut dire incroyable, tous les jeunes dont on parlent y sont, ou presque) figurent deux de mes acteurs favoris : le merveilleux Michael Fassbender et la craquante Jennifer Lawrence.

Surprise : la première partie du film est une séries d'études psychologiques plus qu'un film de baston. Etre spécial, accepter sa différence, devenir adulte, faire des choix (entre le bien et le mal, sans vraiment savoir où se trouvent l'un et l'autre), entretenir une amitié, discipliner ses capacités : je n'aurais pas pensé trouver tout cela dans un film Marvel.

J'ajoute que la mise en scène est très belle, limpide, rappelant parfois Spielberg ou les meilleures réussites des films de genre, comme Casino Royale par exemple. L'ambiance 60ies a beaucoup de charme, les décors sont splendides et utilisés avec beaucoup de discernement. Tous les acteurs ont une pêche d'enfer (James McAvoy en gentil et Kevin Bacon en méchant sont parfaits) et même les scènes d'action de la deuxième partie sont belles, et n'en ajoutent pas dans le spectaculaire.

Le prototype du parfait pop-corn movie. Du coup, au risque d'être déçu, j'ai bien envie de voir ce qui va arriver à tous ces mutants fort sympathiques en regardant le reste de la saga, que je ne connais pas.

 

3e

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L'épouvantail

L'épouvantail commence par un premier plan d'anthologie : sous un ciel magnifique, un homme descend une colline calleuse avant de franchir maladroitement une clôture de fils de fer barbelé.  Son béret, ses lunettes rondes, ses vêtements élimés et ses cigares vont rapidement nous devenir familiers. Sa violence compulsive et son goût pour la bagarre aussi. Gene Hackman trouve probablement en Max le meilleur rôle de sa carrière. Il donne une profondeur charnelle et fragile à ce clochard monomaniaque qui sillonne l'Amérique.

Face à lui, le tout jeune Al Pacino est absolument magistral. Il campe un Francis lunaire, petite boule d'énergie noiraude rappelant le jeune Springsteen des débuts, évoluant vers une prestation de clown lunaire. Le film prend d'ailleurs parfois des airs de tragi-comédie italienne : la tristesse vient après, ou par le rire.

Nos deux compères ont leurs manies. Max a économisé pour ouvrir un car wash, il empile les couches de vêtement et dort toujours en plaçant une chaussure sous son oreiller. Francis veut retrouver la femme qu'il a quitté enceinte il y a 6 ans, et transporte avec lui un cadeau pour son enfant qu'il ne connait pas : une lampe de chevet.

Le road trip plutôt sympa devient au fur et à mesure des étapes une suite d'épreuves dont on pressent qu'elles pourraient, qu'elles vont, devenir tragiques. La force du film est de ne pas dévoiler trop tôt d'où viendra la catastrophe, mais de semer dans plusieurs scènes très belles des indices qui amènent à reconsidérer l'ensemble de l'aventure une fois terminée. Dans sa dernière demi-heure la narration atteint des sommets de violence mentale, et ceux qui ont vu le film n'oublieront pas de sitôt la scène étourdissante de douleur lors de laquelle Al Pacino téléphone à Annie.

Jerry Schatzberg, dont la carrière sera pour le moins irrégulière, réussit un coup de maître dans ce film qui lui vaudra la Palme d'Or à Cannes en 1973. Sa mise en scène, sans être renversante, est plutôt efficace, alternant curieusement les plages assez lentes (la première scène, celle de la rencontre au bord d'une route déserte, dure 7 minutes) et les accélérations brutales, parfois même chargées d'adrénaline.

Mais c'est surtout pour la performance des deux acteurs que le film mérite d'être vu. Hackman et Pacino sont époustouflants en clochards funambules.

4e
 

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Le complexe du castor

SND Le complexe du castor est à la fois très touchant et bancal.

Walter est en pleine dépression. Attention, pas la petite déprime que nous connaissons tous un jour ou l'autre, non, la vraie maladie, qui vous rend étranger à votre propre vie. Sa femme le vire, à regret, poussée par son grand fils, et pour protéger le plus petit.

Par miracle, Walter trouve une vieille peluche de castor qu'il enfile sur son bras gauche telle une marionnette et qui devient en quelque sorte son interprète vis à vis de l'extérieur.

Il faut reconnaître au couple Gibson / Foster l'immense mérite de rendre crédible cette situation improbable. Jodie Foster est vraiment remarquable, souple et subtile. Sa mise en scène est finalement à son image : élégante, recherchée et discrète à la fois. Mel Gibson n'a que très peu de variantes dans son jeu, mais il est très convaincant. Le castor est incroyable : je ne sais si des trucages numériques ont aidé à l'animer, mais on le croirait vivant.

Cette indépendance de la peluche (et de la part de personnalité de Walter qui le commande) augmente au cours du film jusqu'à devenir franchement inquiétante dans une scène exceptionnelle dont je ne peux évidemment rien dire...

L'histoire du fils est intéressante aussi. Il ne craint qu'une chose : ressembler à son père. Sa copine est jouée par Jennifer Lawrence,  que j'ai peiné à reconnaître après son magnifique rôle dans l'exceptionnel Winter's bone. Comme quoi, le maquillage....

Malgré toutes ces qualités, le film paraît toutefois maladroit par moment (la voix off, l'histoire du jouet), et finalement semble plus un conte qu'une histoire très travaillée. Cette impression est accentuée par certains manques, comme l'absence étonnante du corps médical dans l'histoire.

L'ensemble reste toutefois très solide, et l'émotion y rôde dans chaque plan.

 

3e

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Pourquoi The tree of life mérite sa palme

Jessica Chastain. EuropaCorp DistributionJe défend d'autant plus volontiers The tree of life que je ne lui ai pas donné la note maximale (cf ma critique). Mais comme l'ont dit deux jurés sur France Inter à midi (Olivier Assayas et Mahamat Saleh Haroun) le film est tellement neuf, il donne à vivre une expérience tellement innovante, qu'il est un jalon dans l'histoire du cinéma, et la Palme d'Or s'impose naturellement.

Le coeur du film, ce qui fait sa force, c'est la façon incroyablement sensuelle avec laquelle il dresse le portrait de cette famille des années 50. La mise en scène exalte la nature dans ce qu'elle a de plus beau (des feuilles qui bruissent, des jeux d'ombre filmés "à l'envers" sur le sol, de l'eau qui coule, un papillon) et en même temps dresse un portrait impitoyable de la vie à Waco / Texas, dans les années 50. Là même où grandit Terrence Malick.

Ceux qui s'acharnent sur la minute des dinosaures ont ils saisit l'ampleur de ce qui nous est proposé ? C'est entre autres ce qu'avait raté pitoyablement Les noces rebelles. Enfermement de la femme : elle cuisine, elle danse, elle court, elle aime, elle est silencieuse. C'est l'amertume du père : quel extraordinaire portrait de raté ! Brad Pitt joue un rôle finalement d'une finesse exaltante : il aurait pu être musicien, il aurait pu être un bon père, il aurait pu garder son emploi, il aurait pu sauver le jeune garçon qui se noie, il aurait pu, comme l'Amérique aurait pu. Rayonnement sélénique de la figure maternelle, écroulement triste et gris du père, engoncé dans les conventions castratrices et une religion étriquée.

Cette partie se distingue aussi par l'évolution du jeune garçon : premier éveil amoureux à l'école, premier plaisir de casser (les carreaux) et de faire souffrir (la grenouille attachée à la fusée). Bien sûr on pourra convoquer Freud à l'appui de cette partie, comme ce regard volé avec lequel le jeune garçon surprend sa mère dénudée. Le film propose d'ailleurs plusieurs de ces plans énigmatiques où un personnage et/ou le spectateur voit à travers le miroir  (un couple qui se dispute dans une maison, un malaise en arrière plan, la mère qui flotte, un tombeau de verre).

C'est un tableau bien noir de la middle class américaine que propose The tree of life, et cette partie du film est bien plus importante que les quelques visions de cosmos (qui d'ailleurs n'en sont finalement peut-être pas, qui sait ?). Un garçon qui grandit et qui souffre : il apprend à tuer le père (métaphoriquement il le coupe, en lui coupant la parole) et à torturer son frère en jouant avec sa confiance (superbes scènes avec l'ampoule électrique, puis la carabine). Malick arrive à instaurer une tension psychologique qui fait craindre la catastrophe, l'explosion de violence (mais la catastrophe est déjà arrivée, ce qui donne à chaque seconde de cette chronique la douceur triste d'une oraison funèbre)

Toute cette partie est mise en scène de la plus belle des façons, avec un art dont on n'a pas fini d'analyser les différents éléments : caméra flottante, découpage un peu décalé, cadrage improbable, lumière exceptionnellement maîtrisée, musique élégiaque, mouvements de caméra d'une grâce surnaturelle (virevoltant dans la maison, oscillant avec la balançoire, tournoyant avec les enfants quand le père s'en va, enfin). Je suis absolument certain que tout nouvelle vision du film donnera de nouveaux éléments à admirer.

Les autres parties du film se raccorde à ce tableau familial comme un cadre met en valeur un tableau - la vie de cette famille comprend à la fois le bien et le mal, la vie et la mort, la cruauté et la compassion, l'espoir et le désespoir, le hasard et la nécessité. Si on admet l'aspect presqu'autobiographique du film, Malick se place ainsi d'une certaine façon au centre de l'univers, ce qui est outrageusement immodeste - mais par son attitude de suprême discrétion, il contredit encore cette interprétation.

Une fabuleuse tentative de tout mettre dans un film, de faire rentrer en résonance le tout et le minuscule, l'universel et le particulier, de faire dialoguer les contraires, The tree of life est une oeuvre imparfaite, et insensée. 

En complément :
Belle analyse de Matthieu Gosztola sur le site Reflets du temps. L'interview enthousiaste d'Eric Neuhof sur le site du Figaro et le papier en faveur du film de Libération. Des blogueurs défendent le film : Philsiné, et les fous furieux d'ASBAF aussi.


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