Le nouveau film du duo Ann Sirot et Raphaël Balboni (Une vie démente, Trop Belge pour toi) est une comédie décalée et tendre, au rythme plaisant.
La mise en place est rapide et particulièrement loufoque. Sandra et Rémi n'arrivent pas à avoir d'enfant, mais un congrès de chercheurs à Seattle apporte une lueur d'espoir : si les deux partenaires recouchent avec tous leurs ex, alors les choses peuvent changer !
Le sujet est graveleux (elle a sur le papier en gros 25 "missions" à concrétiser, alors que lui n'en a que 3) et on pourrait craindre un traitement un peu lourd. Hors le film est tout l'inverse : il est léger, tendre, cocasse et souvent poétique. Les problèmes habituels liés à la sexualité (ego, jalousie) semblent ici ne pas exister, ce qui donne au film une tonalité d'étrange bienveillance, très agréable.
Les actes sexuels sont tous évoqués sous formes de chorégraphies sensuelles un peu décalées et très réussies. La fin de l'histoire n'est évidemment pas du tout celle à laquelle on s'attend (même s'il y est question d'enfants). On sort de la séance régénérés et de bonne humeur.
Je me demande comment j'ai pu passé aussi longtemps à côté du Bureau des légendes, incontestablement la meilleure série française que j'ai vue jusqu'à présent.
Après avoir avalé à la suite les cinquante épisodes des quatre saisons, ce qui m'impressionne le plus, c'est la constance dans la qualité. Pas beaucoup de baisses de régime en effet, sauf peut-être dans la deuxième partie de la quatrième saison, qui semble un peu expédiée.
A part ce petit coup de mou, d'ailleurs tout relatif, la série brille par ses qualités, dont la plus impressionnante à mes yeux est sa qualité d'écriture. Les trajectoires des personnages sont en effet complexes, les évènements difficilement prévisibles, l'intrication des arcs narratifs subtile et addictive.
La mise en scène d'Eric Rochant est à la hauteur de ce qu'on voit de mieux au cinéma. Les décors sont superbes, les scènes d'action prenantes. Il se dégage des mondes que l'on croise dans la série, et qui sont très divers (la violence des tortures, l'univers feutré de la DGSE, la vie quotidienne des banlieues), un sentiment de réalité. Que l'on parcourt les rue de Raqqa ou qu'on folâtre au bord de la piscine d'un riche iranien, on éprouve une impression d'immersion extraordinaire.
Je n'ai pas été par contre convaincu par les deux derniers épisodes de la saison 5, confiés à Jacques Audiard : j'ai trouvé que la finesse de Rochant s'effaçait trop devant l'efficacité pachydermique d'Audiard (à l'image de ce gros plan sur le feu rouge qui indique clairement la façon dont se terminera cette saison).
Si Le bureau des légendes mérite tous les louanges qui lui sont adressés, c'est aussi grâce à son casting impressionnant, digne là encore d'un très bon film de cinéma : outre un Mathieu Kassovitz réellement magnétique, on se régale à retrouver Florence Loiret-Caille (si bonne chez Solveig Anspach), Léa Drucker (récemment césarisée à juste titre), Sara Giraudeau, Mathieu Amalric, et Jean-Pierre Darroussin, absolument formidable. Même Louis Garrel et Mathieu Amalric, qui peuvent souvent m'énerver dans leur composition, trouvent ici un ton absolument juste. Le moindre second - ou troisième - rôle semble toujours judicieusement choisi.
Une autre grande qualité de la série est de coller parfaitement à l'actualité. Chaque saison aborde avec justesse et précision un aspect spécifique : découverte du monde de l'espionnage, Français s'enrôlant chez Daesh, développement des techniques de cyber-espionnage (même si on n'y comprend pas grand-chose), relations entre les services secrets des différents pays.
En ne sacrifiant jamais au pittoresque, tout en ménageant les effets qu'on attend d'une bonne série (destin tragique de certains personnages, cliffhangers), la série phare de Canal+ réalise le programme d'une excellente série : divertir, intriguer, enrichir.
J'espère de tout coeur que l'aventure va se poursuivre, et j'envie ceux qui n'ont pas encore eu le plaisir de se plonger dans le monde impitoyable du Bureau des légendes.
On a déjà croisé les personnages d'Agathe, Samir, Anna et Ulfur dans un film précédent de la regrettée Solveig Anspach, Queen of Montreuil.
C'est donc d'abord avec un doux plaisir de retrouvailles tendres qu'on retrouve le monde poétiquement bargeot de la franco-islandaise.
La première partie du film, presque entièrement centrée sur la piscine Maurice Thorez de Montreuil (un monde, un univers !), est une magnifique histoire d'amour irraisonnée entre ces deux acteurs uniques que sont la gracile Florence Loiret-Caille et le dégingandé hébété Samir Guesmi. On se délecte dans ce jeu subtil et inutile de l'amour et de l'indifférence, supervisé par deux agents d'entretien célestes joués par Philippe Rebot et Esteban.
La deuxième partie islandaise est jouissive pour ceux qui ne connaissent pas ce merveilleux pays qu'est l'Islande (je pèse mes mots), bien qu'un peu anecdotique. Le film navigue alors dans un registre plutôt folklorico-poético-lunaire, mâtiné de satyre des institutions internationales, qui n'est pas sans déclencher de francs afflux d'endorphine.
Bon enfant, léger et délicat, un pur film d'été qui fait du bien.
Vu en hyper avant-première mondiale (plus de 6 mois avant sa sortie) au festival Paris Cinéma, le nouveau film de Solveig Anspach s'avère être une fantaisie délicate et fragile, qui mérite d'être découverte.
L'action de situe à Montreuil (spécial dédicace à Dominique Voynet, maire de Montreuil, dans le générique de fin). Une jeune femme récupère les cendres de son mari, mort brutalement en Thaïlande. Elle croise une mère et son fils islandais en transit entre la Jamaïque et leur île nordique en pleine crise.
L'intrigue est loufoque et tournée avec un souci de réalisme qui rappelle dans l'esprit le style du trio belge Abel/Gordon/Romy. Elle s'agrémente de personnages secondaires assez délirants : un phoque abandonné et son gardien moustachu, un grutier bien sympathique (Samir Guesmi, toujours impeccable), un amoureux éconduit...
L'actrice Florence Loiret-Caille tient le film sur ses frêles épaules, maintenant par la grâce de son jeu sensible et décidé le film sur le fil réaliste, alors qu'il menace de verser continuement dans un certain n'importe quoi.
Une oeuvre mineure mais agréable, qui actualise la veine réaliste poétique du cinéma français.