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Christoblog

Articles avec #damien chazelle

Babylon

Babylon est comme un frigo rempli à ras bord.

Il ne faut donc pas chercher un repas équilibré ou délicat quand on va voir le dernier film de Damien Chazelle, mais plutôt un déversoir non maîtrisé de plats succulents, d'ingrédients plus ou moins frais, et enfin d'expérimentations culinaires osées.

Parmi ce que le film propose de meilleur, on peut citer sa première heure (un tournage apocalyptique, suivi d'une orgie chez un mogul du cinéma muet) qui est à la fois folle par son ampleur délirante et son rythme échevelé, mais aussi utile à l'intrigue en nous présentant in situ les six personnages principaux.

Parmi les ingrédients tirés du bac à légumes, il y a de tout : une excursion - un peu gratuite car peu reliée au reste du film - dans un souterrain lynchien qui sent un peu le fruit blet, des tics avariés que Chazelle devrait mettre à la poubelle (les gros plans sur les pavillons de trompette), des épices éparpillées au petit bonheur la chance (et hop un peu de cannelle façon Chantons sous la pluie, et zou du vomi pimenté façon Ruben Östlund). 

Au rayon des expérimentations ratées, je mettrais en avant le catastrophique dernier quart d'heure du film, mash-up horriblement prétentieux (mais naïvement attendrissant) mélangeant images de chefs-d'oeuvre du septième art (Godard, sors de ce corps) et immonde image WTF d'encres colorées se délayant dans un grand vide conceptuel.

Dans ce gloubi-boulga on peine à trouver du sens : s'il est indubitable qu'on parle ici du passage du muet au parlant, on cherchera en vain une profondeur psychologique dans l'évolution des personnages, une émotion dans les relations les liant les uns aux autres,  ou un approfondissement de thématiques qui l'auraient pourtant mérité (le temps qui passe, la place des Noirs dans les débuts du cinéma, les évolutions technologiques et économiques de ce Hollywood des origines, l'amour contrarié, l'instabilité psychologique).

Le miracle de Babylon est qu'on ne s'y ennuie pas vraiment : la boulimie de cinéma et de musique qu'il représente séduit autant qu'elle horripile, voire un peu plus en ce qui me concerne.

Damien Chazelle sur Christoblog : Whiplash - 2013 (****) / La la land - 2016 (****) / First man - 2018 (**) / The Eddy - 2020 (**)

 

2e

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The Eddy

On présente parfois The Eddy comme la série de Damien Chazelle, ce qui est abusif, car il n'en est ni le showrunner, ni le scénariste. Il est l'un des producteurs, et a réalisé les deux premiers épisodes, qui sont plutôt réussis.

La série commence donc très bien, avec un épisode formidable caméra à l'épaule, qui pose un cadre intéressant, donne à voir de la musique vivante, et se termine par un évènement étourdissant.

Certains acteurs et actrices crèvent l'écran dès le début de la série. Andre Holland, vu dans Moonlight, est assez charismatique (mais son personnage est malheureusement mal écrit et assez antipathique). La géniale Joanna Kulig (Cold war) séduit et impressionne, comme d'habitude. Tahar Rahim et Leïla Bekhti sont formidables, et enfin la jeune Amandla Stenberg est une révélation. 

Malheureusement, l'intérêt du spectateur faiblit progressivement au long de ces huit épisodes. Le principe de centrer chaque segment autour d'un personnage (comme Lost !) trouve ses limites quand le personnage n'a rien à dire (c'est notamment le cas de l'épisode 4 consacré à Jude). L'autre grand problème de la série est le manque d'évolution de chaque personnage : chacun garde obstinément sa ligne de départ, même quand celle-ci s'avère catastrophique.

The Eddy reprend un peu de poil de la bête dans les épisodes 7 et 8, avec quelques jolies séquences (l'ouverture musicale de l'épisode 7 est excellente) et un sursaut de l'intérêt de l'intrigue, même si les péripéties criminelles restent au final assez peu crédibles.

En conclusion, la série de Netflix n'est pas désagréable dans son ensemble, formidable par moment (la scène des funérailles par exemple), et plombée par quelques défauts structurels.

A noter que Houda Benyamina (Divines) a réalisé deux épisodes.

 

2e

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First man

Le troisième film de Damien Chazelle est tout à fait agréable, mais il peinera à égaler Whiplash et La la land dans l'esprit du spectateur.

First man est en effet à la fois plus prévisible (on connaît la fin de l'histoire) et plus sage que ses prédécesseurs. La mise en scène de Chazelle est ici assez classique, voire austère.

Le film essaye de donner une impression de réalisme extrême et il y parvient parfaitement. Les scènes dans l'espace sont frappantes de ce point de vue : on ressent avant tout un sentiment de grande claustrophobie. On se croirait pour ainsi dire dans le tambour d'une machine à laver sidérale.

Chazelle n'a pas choisi la facilité : il dépeint un héros au final profondément antipathique (parfois peut-être à l'extrême, comme lors de la scène d'adieu aux enfants), dans un style épuré et peu spectaculaire, et pendant 2h30. Ce n'est pas simple.

Il faut donc reconnaître au film des qualités discrètes mais bien présentes. La bande-son est par exemple exceptionnelle, comme le montage au cordeau, servi par un sens de l'ellipse très développé. Quelques évènements mis en valeur par le scénario méritent enfin le détour, comme l'essai presque mortel du module d'alunissage ou l'épisode tragique des trois astronautes morts dans l'incendie de leur capsule.

Pour résumer, First man est intéressant et par moment bluffant, sans jamais vraiment émouvoir ou surprendre.

Damien Chazelle sur Christoblog : Whiplash - 2013 (****) / La la land - 2016 (****)

 

2e

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La la land

La la land est traversé par la même énergie foutraque et euphorisante que le précédent film de Damien Chazelle, Whiplash.

Foutraque, parce que le film ne ressemble à rien, et donne l'impression de chercher sa voie tout du long. 

La première scène est à ce titre exemplaire. Elle semble rendre hommage à la comédie musicale américaine classique, mais apparaît finalement comme un exercice de virtuosité pure. On pourrait penser qu'elle donne le ton du film, mais en réalité, pas du tout, puisque les passages chantés s'espaceront progressivement et ressembleront plus à du Demy qu'à du Stanley Donen.

Parfois aux confins du mauvais goût sucré (la scène du planétarium), souvent d'une justesse de ton ahurissante qui pourrait rappeler Cassavetes (la magnifique scène pivot de la dispute durant le repas), perpétuellement en mouvement et inventif, La la land séduit à la fois par la richesse de ces procédés et la profondeur de son approche.

Euphorisant, parce que le film semble porter en lui l'espoir fou que le cinéma peut tout. La foi que Chazelle semble insuffler à son film emporte toutes nos réticences. Son histoire fonctionne parfaitement et les petites imperfections du film apparaissent presque attendrissantes : Ryan Gosling et Emma Stone ne chantent pas merveilleusement bien, mais leur voix n'en est que plus attachante.

La dernière partie du film, par sa dignité et son originalité, finit par emporter la mise. On est conquis, émus, et passablement scotchés par le tour de passe-passe de Chazelle : montrer la naissance de l'amour dans un frou-frou de couleur primaires, en donnant l'impression d'être le premier à le faire.

La trame de La la land parait à première vue assez simple, voire simpliste (exactement comme celle de Whiplash d'ailleurs). Mais une fois l'euphorie de la vision passé, il faut bien reconnaître que le film est bien plus que ce qu'il paraît être : portrait grandeur nature d'une ville, réflexion sur la fidélité à ses ambitions, éloge de la légèreté, analyse psychologique des rapports de couple, déclaration d'amour au jazz, manifeste pour un cinéma décomplexé, et au final esquisse glaçante des occasions ratées.  

Un beau grand film.

Damien Chazelle sur Christoblog : Whiplash - 2013 (****)


4e

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Whiplash

Dans Whiplash, le héros est un salaud. C'est sûrement l'aspect le plus éblouissant de ce film par ailleurs fort aimable. 

Les poncifs ne manquent pas pour évoquer la fougue énergisante qui traverse le film de part en part : plaisir (mais ouch, quelle exigence ma bonne dame), récit initiatique de passage à l'âge adulte en mode Full Metal Baguette, thriller au rythme haletant. Mais Damien Chazelle parvient à nous faire rire des blagues sexistes et homophobes du sergent instructeur, c'est son véritable talent.

Le film se brise en son milieu, rebondissant comme ces balles hyper réactives dont on ne sait où elles vont finir.

Qui gagne ? Qui perd ? Dans ces rebondissements et retournements superbement rythmés, Damien Chazelle nous embrouille avec délice. On jouit de l'emberlificotage du scénario, et de la sobre efficacité de la mise en scène (cf la scène du camion par exemple).

Tonique, jouissif, énergique : un Grand prix à Sundance qui sort de l'ordinaire et une belle découverte (encore !) de la Quinzaine des réalisateurs à Cannes 2014.

 

4e

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