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Christoblog

Articles avec #alexander payne

Winter break

Chez Alexander Payne, la mise en place de l'histoire est toujours longue. Ici, il faut attendre un bon tiers du film avant de comprendre quels seront exactement les personnages principaux du film, et encore un autre tiers avant de véritablement saisir leur personnalité et leur histoire.

Le réalisateur américain possède une touche immédiatement reconnaissable, qui me semble comparable à la tradition du grand roman russe : le contexte est très important et il faut prendre le temps de le décrire, les personnages sont habilement caractérisés non parce qu'ils pensent, mais par ce qu'ils font, et enfin les digressions petites et grandes apportent toutes un élément du puzzle.

De cette approche méticuleuse résulte une oeuvre d'une grande profondeur, qui fourmille de détails significatifs et de situations aux multiples nuances. Ce qui paraît initialement cruel paraîtra bientôt touchant, ce qui semblait au début du film clair s'obscurcira progressivement, et réciproquement.

Au service de ce travail d'orfèvre se démène toute une troupe talentueuse. Les trois acteurs principaux, gueules atypiques chacun dans leur genre, font des miracles de sensibilité délicate, évitant en toute circonstance la mièvrerie qui rôde autour de l'intrigue. La direction artistique et la photographie servent parfaitement le propos du film, sublimant le décor étonnant d'une université désertée et enneigée, durant la trêve de fin d'année.

Le choc de ces trois solitudes malmenées par la vie est à la fois drôle, édifiant et émouvant. Winter break confirme le talent hors norme d'Alexander Payne pour dessiner de beaux portraits de groupe en prise aux difficultés existentielles.

Un des meilleurs films de 2023.

Alexander Payne sur Christoblog : The descendants - 2011 (****) / Nebraska - 2013 (****) / Downsizing - 2017 (**)

 

4e

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Downsizing

Impression mitigée à la vue du dernier Alexander Payne, qui est un réalisateur (Nebraska, Sideways, The descendants) que j'aime beaucoup.

Commençons par les côtés positifs d'abord.

On retrouve dans Downsizing cet art de l'understatement narratif, cette façon de ne pas y toucher, qui fait souvent mouche et qui peut, sous ses aspects très policés, être particulièrement cruelle.

Le film fourmille de petits détails qui émoustillent intellectuellement et qui font sourire à l'occasion (un exemple : l'explosion qui condamne de tunnel, sorte de manifeste anti-spectacle caractéristique du cinéma de Payne).

A porter également au crédit du film : une dénonciation non voilée du mode de vie américain, un sens du merveilleux qui touche parfois (la découverte des différents milieux est jouissive), et une interprétation hors pair (Christoph Waltz est une nouvelle fois impayable).

En ce qui concerne les points négatifs, on voit assez bien ce qui sera reproché au film : une nonchalance qui peut parfois ennuyer, une incapacité à installer une vraie tension dramatique, une séquence finale qui pourra paraître un peu gnangnan et enfin une morale qui manque de subtilité. Et de cruauté.

Au final, cette histoire d'hommes qui rapetissent pour le bien de la planète (ou pas) m'a plutôt séduit. L'art de Payne (une litote permanente au service d'histoires de ratés chroniques) me touche toujours beaucoup.

Alexander Payne sur Christoblog : The descendants - 2011 (****) / Nebraska - 2013 (****)

 

2e

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Nebraska

Ce n'est pas seulement parce que le dernier film d'Alexander Payne porte le même nom qu'un des meilleurs albums de Bruce Springsteen que je l'adore (le film fait au Boss un clin d'oeil que je vous laisse détecter). 

C'est aussi parce que tout en lui me plait. Son incroyable noir et blanc, à la fois précis et parfois un peu délavé. Ses acteurs, dont la palette de jeu varie magnifiquement (Bruce Dern, Prix d'interprétation mérité à Cannes !). Ses paysages stupéfiants de beauté. Ses péripéties qui allient humour, tendresse, causticité et pudeur.

Je prévois que bien peu partageront l'entièreté de mon enthousiasme, mais pour tout dire, je pense que j'ai avec Alexander Payne une relation très particulière : son cinéma ma parle directement au coeur, ses choix me paraissent évidents, en un mot comme en cent, je pense qu'il réalise le type de film que j'aurais moi-même aimé réaliser si j'avais été cinéaste.

Le  film paraîtra lisse à certains, qui ne verront pas la fabuleuse délicatesse de la palette de sentiments qu'il expose. Il constitue aussi une plongée dans l'Amérique profonde et enfin, il est d'une drôlerie macabre et réjouie, à l'image de cette scène sublime dans laquelle la mère soulève ses jupes au-dessus d'une tombe en déclarant : "Regarde ce que tu as raté".

Hilarant, cruel, émouvant, Nebraska est un concentré de gouaille lucide, et comme toujours chez Payne, les sentiments les plus forts circulent avec une douce violence sous une surface limpide. C'est un film merveilleux.

 

4e

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The descendants

The descendants propose un plaisir devenu rare au cinéma : l'assemblage réussi d'un projet original, d'un scénario qui tient la distance, d'acteurs au top de leurs possibilités, et d'une réalisation intelligente et modeste.

D'abord, je ne pensais pas pouvoir dire un jour que Georges Clooney pouvait être génial. Hors, il est ici renversant, absolument pas en phase avec son image traditionnelle : lourd, bedonnant, dépassé et solide à la fois, presque moche, trompé, perdu. A aucun moment, je ne l'ai vu en lui Mr Nespresso, c'est dire s'il est bon.

Je ne vais pas raconter l'histoire, mais le pitch est assez connu. Rappelons le rapidement : un homme, dont la femme tombe dans le coma suite à un accident, doit tout à coup s'occuper de ses deux filles et découvre des éléments cachés sur le passé de sa femme.

Le film réussit une sorte de prodige : sa trame est à la fois limpide et complexe, son rythme parfois tendu et souvent paresseux, ses personnages cohérents et évolutifs. Il manie en permanence le chaud et le froid avec une habileté confondante, et sait entremêler drame et comédie comme seuls les Italiens semblaient pouvoir le faire.

Une des tactiques d'Alexander Payne est d'utiliser les éléments de son histoire systématiquement à contre-emploi : on a déjà vu que Clooney jouait l'anti Clooney, mais Hawaï est présenté comme un enfer (et en même temps la photographie le magnifie comme le plus beau des paradis), l'homme est le pivot stable autour duquel gravitent des femmes et des filles instables, etc.

Au final, sous la baguette d'un réalisateur particulièrement inspiré, on sort du film en ayant écrasé sa petite larme (ou alors, c'est qu'on a dormi), en ayant par moment franchement rigolé, en ayant été souvent intrigué et avec dans le coeur une palette d'émotions de toutes les couleurs.

Un beau film arc-en-ciel qui ouvre la liste des meilleures productions 2012.

 

4e

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