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Christoblog

Articles avec #israel

Fièvre méditerranéenne

Après son premier film très remarqué, Personal affairs, la réalisatrice israélienne Maha Haj revient avec un nouvel opus qui présente en gros les mêmes qualités : une grande subtilité dans la description des relations humaines et un scénario malin qui tient en haleine.

Nous suivons ici un Palestinien dépressif qui sympathise avec son voisin, escroc à la petite semaine. Leur rencontre possède tous les atouts du buddy movie traditionnel : couple mal assorti, caractères et backgrounds opposés, convergence momentanée d'intérêt.

Après une première partie amusante, on pourrait penser que le film n'est qu'anecdotique. Mais il nous entraîne dans sa deuxième partie vers une issue tragique et grinçante tout à fait insoupçonnée, et assez émouvante. Comme dans son premier film, la réalisatrice n'aborde pas frontalement les sujets politiques de son pays, mais les donne à sentir de façon indirecte.

La mise en scène est d'une grande beauté, et l'interprétation parfaite. Un des intérêts du film est aussi qu'il dessine un tableau saisissant de ce qu'est la dépression sous tous ses aspects : "J'hésite entre me servir une tasse de thé et me pendre" dit un des personnages, citant Tchékov. Rarement un film aura aussi bien réussi à faire ressentir le désarroi d'un dépressif.

Fièvre méditerranéenne est à découvrir, et à ne surtout pas rater pour les fans de cinéma israélien, ce qui est mon cas. 

 

2e

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Et il y eut un matin

Ce joli film israélien présente beaucoup de qualités et constitue une très jolie découverte. 

L'idée de départ est très maline : un arabe qui habite Jérusalem et qui méprise son milieu d'origine reste bloqué dans son village natal où il est venu assister à un mariage, suite à un blocus inexpliqué mis en place par l'armée israélienne.

S'en suit une suite de mésaventures tour à tour comiques, émouvantes, tendres, et dramatiques. Notre personnage principal n'a plus accès à internet et va devoir communiquer avec sa famille, ses amis du passé et sa femme !

Le film est très composé (le scénario est remarquable) et riche en thématiques (la situation politique, les factions palestiniennes, les sans-papiers, le courage, la déliquescence d'un couple).

La mise en scène de Kolirin est intelligente et inspirée, à l'image de ses coeurs palestiniens qui chantent lorsque la ville est privée d'électricité. Et il y eut un matin est à la fois un beau film politique et une chronique délicate de nos lâchetés quotidienne : le film est à découvrir.

Eran Kolirin sur Christoblog : La visite de la fanfare - 2007 (***)

 

3e

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Où est Anne Franck !

Il y a deux films dans le dernier Ari Folman.

Le premier, plutôt agréable, trouve un équilibre presque parfait entre la vivacité intellectuelle de la jeune Anne Franck et l'imagination débordante du vieux réalisateur israélien. 

A ce titre, certains passages sont de véritables splendeurs visuelles (l'armée colorée, les soldats nazis, l'incursion dans le poste de radio, Clark Gable, les dieux grecs, l'arrivée aux enfers...). Le caractère enjoué et impertinent d'Anne, sa détermination sans faille sont très bien illustrés.

Il y a malheureusement un deuxième film beaucoup moins convaincant (et même lourdingue) dans Ou est Anne Franck !, c'est celui qui est centré sur l'amie imaginaire d'Anne, Kitty. Le parallèle que fait Folman entre la Shoah et la situation des migrants dans l'Europe d'aujourd'hui est pour le moins discutable. Les errements de Kitty et de son compagnon pickpocket dans l'Amsterdam contemporaine sont ainsi lourdement didactiques et nuisent finalement au propos

Pas facile du coup de conseiller ce film, pourtant édifiant pour les enfants et les adolescents. A vous de voir, je suis partagé.

Ari Folman sur Christoblog : Valse avec Bachir - 2008  (**) / Le congrès - 2013 (**)

 

2e

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Le genou d'Ahed

Le cinéma de Nadav Lapid, est un cinéma exigeant, intellectuel, distancié, et il faut le dire, peu aimable au premier abord.

Le genou d'Ahed ne se laisse donc pas approcher très facilement. On ne comprend d'abord pas trop de quoi il retourne. La mise en scène est à la fois tapageuse et prétentieuse, et l'acteur principal (l'excellent Avshalom Pollack, alter ego de Lapid) joue un cinéaste qu'on a envie de baffer.

Le début du film est donc très pénible à regarder. A partir du moment où le personnage principal est bloqué dans cette petite ville du désert pour parler de ses films, l'action se resserre cependant, et la gratuité du début cède progressivement la place à une vraie profondeur psychologique et politique, jusqu'à des scènes qui brillent par leur dureté étincelante. L'actrice Nur Fibak est excellente et les paysages sont d'une beauté ravageuse.

Il y a donc bien un film intéressant à voir dans le Le genou d'Ahed, mais il vous faudra beaucoup de patience et de bonne volonté pour y accéder.

Nadav Lapid sur Christoblog : L'institutrice - 2014 (**) / Synonymes - 2019 (**)

 

2e

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Stripped

Avec Stripped, Yaron Shani conclut après Chained et Beloved une série de trois films consacrés à l'amour, ou si l'on veut être plus précis, à la douleur causée par l'absence d'amour.

Par son ampleur, la cohérence de son projet artistique et sa force évocatrice, cette trilogie d'impose comme un des moments marquants de 2020.

Comme dans les deux volets précédents, et même si ici le propos est un peu moins percutant et surprenant que dans les deux autres opus, c'est la capacité qu'a Shani de s'approcher au plus près des âmes qui frappe le spectateur. Ce sentiment de proximité extrême, on l'éprouve rarement au cinéma : Kieslowski, Cassavetes, Ceylan, dans des genres très différents, sont capables de faire naître ce sentiment.

Stripped est un double portrait destructuré qui nous bouscule et nous interroge. Il a même déclenché une polémique d'une rare bêtise sous la plume des Cahiers du Cinéma et des Inrocks, qui tentent de distinguer une intention morale au film, qui en est totalement dépourvu. Les intentions des deux protagonistes résultent d'un ensemble d'éléments qui dépassent la bien-pensance consensuelle pour nous faire approcher la complexité de l'âme humaine : un personnage principal n'a évidemment pas le devoir d'être sympa pour qu'un film soit intéressant.

Un immense réalisateur est en train de s'installer dans le paysage mondial, et c'est une bonne nouvelle.

Yaron Shani sur Christoblog : Ajami - 2010 (****) / Chained - 2020 (***) / Beloved - 2020 (***)

 

3e

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Beloved

Présenté comme le deuxième volet du formidable Chained, Beloved n'a en fait pas grand-chose à voir avec l'autre film de Yaron Shani. 

Le personnage d'Avigail n'est en effet pas vraiment le principal personnage du film, et son mari Rashi n'apparaît pas. Ceux qui attendait donc un autre point de vue sur cette histoire de couple (et sur la fin dramatique que dessine Chained) seront décus.

Shani continue donc de nous égarer dans un labyrinthe de sensations et d'émotions qui dégage une impression de réalité confondante. En plus d'Avigail, on découvre dans Beloved deux nouvelles personnalités féminines d'une grande complexité, deux soeurs qui s'opposent frontalement alors que leur père se meurt. 

La faculté de Shani de restituer une ambiance s'avère ici encore exceptionnelle (la "retraite" qui regroupe toutes ces femmes qui cherchent tendresse et compréhension) et la violence de certaines scènes (la dispute principale entre les deux soeurs) est sidérante.

C'est du grand cinéma, même si j'ai été un poil moins enthousiaste que devant la sombre compacité de Chained, du fait de certaines longueurs. Dans quelques semaines, un troisième film de la même série, Stripped, sera sur nos écrans, j'en salive d'avance.

Yaron Shani sur Christoblog : Ajami - 2010 (****) / Chained - 2020 (***)

 

3e

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Tel Aviv on fire

Excellente surprise que cette comédie du réalisateur palestinien Sameh Zoabi. Le synopsis du film est très malin. Salam, palestinien de 30 ans un peu molasson, travaille pour son oncle sur le tournage d'un soap palestinien qui est regardé des deux côtés de la frontière. Suite à un imbroglio dû au passage du checkpoint, Salam se voit dans l'obligation d'influer sur l'écriture du scénario, qui met en scène une jolie espionne palestienne et un général israélien.

Tel Aviv on fire est une merveille d'écriture : le scénario est percutant, et le rythme ne faiblit jamais. Le propos du film ménage plusieurs niveaux de lecture, et parle du conflit isarélo-palestinien avec une tranquille placidité, sans jamais verser dans la moquerie facile ou la causticité revancharde.

Comme les acteurs sont absolument parfaits et que la mise en scène est au diapason du scénario (efficace et plaisante), on passe un excellent moment, un sourire perpétuellement au coin des lèvres.

Je recommande chaudement.

 

3e

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Synonymes

Synonymes est ce genre de film qui propose des scènes où l'on ne comprend pas pourquoi les personnages font ce qu'ils font. Ce genre de film dans lequel pullulent les tics en tous genres (de mise en scène, de scénario, de dialogues, de situations) et qui aime à placer dans la bouche des acteurs des phrases absconses qui sont prononcées d'un air pénétré, comme : "Jouer du hautbois dans un conservatoire d'arrondissement est ce qui se rapproche le plus de cultiver des pommes de terre". 

En un mot, un film d'auteur formaté pour les grands festivals (celui-ci a obtenu l'Ours d'or à Berlin), qui ne se soucie pas du confort du spectateur. Si l'auteur est un génie qui sait nous happer dans son monde par la force d'évocation des images ou la poésie intrinsèque de son propos, on peut tenir un chef-d'oeuvre (Holy motors). Sinon, cela donne les films de Carlos Reygadas.

Ici l'exercice est tellement cérébral et désincarné qu'on ne peut être à mon sens qu'au mieux intéressé par la mise en scène parfois brillante, mais malheureusement jamais vraiment séduit et encore moins ému. La prestation très intense de l'acteur Tom Mercier sauve un peu Synonymes du labyrinthe nombriliste dans lequel il nous entraîne. C'est trop peu pour que l'on puisse conseiller d'aller voir ce film que je ne peux m'empêcher de trouver froidement poseur.

Nadav Lapid sur Christoblog : L'institutrice - 2014 (**)

 

2e

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The wedding plan

Comme souvent, le dernier petit film israélien à débouler sur nos écrans s'avère très bon.

Le pitch est imparable. Michal, 32 ans, est heureuse. Après avoir cherché pendant des années l'âme soeur, elle va enfin se marier dans une vingtaine de jours.... quand, patatras, son futur mari la laisse tomber.

Michal n'en peut plus d'attendre, elle prend donc une décision qui surprend tout le monde : elle maintient sa cérémonie de mariage, en espérant que Dieu lui enverra un mari d'ici là. 

Le film est très plaisant pour plusieurs raisons. Il donne déjà à voir des rites et habitudes exotiques (l'action se passe dans un milieu qui est orthodoxe, sans être ultra). Le personnage de Michal est ensuite très émouvant. Elle est pleine de force et de fragilités en même temps, parfois séduisante et parfois énervante.

Le suspense presque métaphysique qu'il entretient tout du long donne le tournis. Michal y arrivera-t-elle ? Dieu l'aidera-t-il ? Comment moi-même je peux y croire ? Evidemment, je ne révèlerai absolument rien de la fin de l'histoire, savamment préparée par un scénario qui brille par son intelligence et sa subtilité.

Une sorte de comédie romantique à la fois triste, charmante et dépaysante.

 

3e

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Tempête de sable

On a l'impression, en regardant Tempête de sable, de se voir proposer pour la millième fois le tableau consternant de la condition de la femme dans une société profondément machiste, ici une tribu bédouine du sud d'Israël.

Le film d'Elite Zexer commence par nous montrer combien la polygamie institutionnalisée peut être cruelle. En donnant au début du film un visage plutôt sympathique au père (en réalité, et comme on le verra, un salaud), et un côté antipathique à la mère (la victime), la réalisatrice réussit un premier pas de côté assez intéressant.

La suite du film captive par les aspects retords de son scénario. L'humiliation des femmes va aller crescendo (répudiation, mariage forcé, abandon de l'émancipation), jusqu'à un point culminant assez gonflé : la résignation par amour. Je n'en dis pas plus.

Tempête de sable est intéressant, et très bien réalisé. La caméra d'Elite Zexer est sensible, délicate, et l'alternance des rythmes et des cadrages donne au film une tension qui capte l'attention du début à la fin. La photo est très réussie également.

A voir.

 

3e

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Une semaine et un jour

Une semaine et un jour réussit parfaitement l'exercice délicat du film de deuil joyeux : une sorte de Chambre du fils où on sourierait tout le temps.

Le pitch du film est simple : on suit un couple assez âgé d'israéliens le jour qui clôture la période de deuil "réglementaire", une semaine et un jour. 

La mère est plutôt raisonnable, toute en intériorité. Elle tient à faire ce qui est prévu, probablement pour maintenir un peu d'ordre dans ce bas-monde. Lui, le père, au contraire, semble retomber en enfance sur un mode furieusement régressif : fumer su shit, frapper les gens qui vous énervent. Comme si la mort du fils désinhibait totalement son comportement.

Les deux parents sont formidablement interprétés, et même si le fils de substitution exagère parfois sa tendance fifou, le résultat est suffisamment attachant pour que le film soit hautement recommandable.

La scène du cimetière est sublime, avec ce long flash back qui enchâsse un deuil dans un autre deuil, et qui d'une certaine façon marie les morts. Magnifique !

Une franche réussite pour un premier film remarquable.

 

3e

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Mr Gaga, sur les pas d'Ohad Naharin

Je n'avais jamais entendu parler du chorégraphe Ohad Naharin avant d'aller voir ce film, et je suppose que je ne suis pas le seul.  

Ma surprise de découvrir une danse magnifique et inspirée fut donc totale. 

Le film est assez bien fait, bien que très classique dans sa forme (une alternance d'interviews, d'images d'archives, de scènes privées plus ou moins volées, d'astuces de montage). Son intérêt n'est donc pas à proprement cinématographique, mais surtout ... chorégraphique. 

Des premières pirouettes dans le jardin familial à la consécration en Israel, en passant par la riche expérience new-yorkaise (où l'on croise avec plaisir Alvin Ailey et Maurice Béjart), on vit de très près l'évolution d'un danseur/chorégraphe incroyablement charismatique. C'est, en dehors des extraits de chorégraphies, l'aspect le plus intéressant du film : comment la vision d'un homme peut fédérer un groupe, et entraîner chacun de ses membres à se dépasser lui-même.

Si on évacue donc les forces et faiblesses du film proprement dit, reste une série d'images absolument fascinantes : danseurs en demi-cercles sur des chaises, tombant à l'arrière plan, se propulsant comme des animaux mythologiques, avançant en ligne comme une armée d'anges ou se palpant comme des extra-terrestres.

Une danse incisive, incroyablement variée et spectaculaire. Il suffit de regarder les 25 premières de ce spectacle (Deca Dance) pour ce rendre compte de la déflagration sensuelle que procure l'art d'Ohad Naharin. Une découverte étourdissante.

 

2e

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False Flag

Si vous êtes nostalgique du rythme haletant et des rebondissements à tiroir de 24 h chrono, cette nouvelle série israélienne est pour vous.

Le pitch de départ est captivant : cinq citoyens israéliens (a priori innocents et ne se connaissant pas entre eux) sont accusés d'avoir enlevé un dignitaire iranien à Moscou.

A partir de cette idée improbable les showrunners Amit Cohen et Maria Feldman déroulent un thriller impeccable et tendu comme un arc, chaque épisode débutant exactement au moment où le précédent se terminait : l'adrénaline générée par cet écoulement du temps en accéléré est excatement de la même nature que celle que proposait la saga de Jack Bauer (24h).

L'addiction est forte, les éléments apparaissant au fil de l'histoire nous aspirant vers la suite. Les acteurs sont convaincants et la mise en scène très solide. Il y a un savoir-faire israélien dans la confection de thriller politique ambigu qui est maintenant une évidence : rappelons que Homeland est un remake de la série israélienne Hatufim.

Seuls petits bémols à mon enthousiasme : certains personnages sont esquissés de façon vraiment grossière (celui d'Eytan Kopel par exemple), certains dialogues sont un peu simplistes et la résolution de l'intrigue n'est que très partiellement satisfaisante, ce qui est un peu embêtant pour une série "à pitch". Autrement dit, on ne comprend pas vraiment tout de ce qu'on vient de voir.

La dernière image du dernier épisode laisse présager une suite : on peut donc espérer que la saison 2 apporte des éclaircissements sur les évènements de la saison 1.

En attendant, le doute profite à False Flag, dont la première partie de la saison 1 est réellement captivante.

 

3e  

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Mon fils

Eran Riklis (Les citronniers, Le voyage du directeur des ressources humaines) est un réalisateur que j'aime beaucoup. Ses films sont parfois dénigrés par la presse un peu snob (dernier exemple fourni par les Inrocks à propos de Mon fils), mais je trouve pour ma part qu'il est l'exemple type du bon artisan : il fait des films qui sont pensés pour intriguer et intéresser les spectateurs.

Mon fils remplit une fois de plus son rôle en dressant le tableau touchant et complexe d'un israélien arabe surdoué, Iyad. Ce dernier est envoyé dans un lycée très coté dans lequel il n'y a quasiment que des juifs. Bien entendu, après une période d'adaptation, le personnage principal se fait principalement des amis juifs. Les circonstances de la vie vont progressivement l'amener à faire des choix cornéliens...

En choisissant de quitter les chemins rabattus du conflit entre communautés, Eran Riklis fait un choix audacieux et payant. Le tableau qu'il dresse de l'évolution de son personnage au fil des années (le film s'étire sur une décennie) est sensible et complexe. Les acteurs et actrices y sont tous formidables, et la mise en scène, quoique sage, n'en est pas moins très efficace.

Sous ses abords proprets et doucereux, Mon fils s'avère bien plus complexe qu'il ne parait au premier abord. Malgré quelques imperfections, il mérite vraiment d'être vu et confirme l'excellente forme du cinéma israélien.

 

3e

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L'institutrice

En apprenant dans un article que Nadav Lapid est un fan de Carlos Reygadas (Post tenebras lux), j'ai mieux compris pourquoi j'avais éprouvé ce sentiment de frustration en regardant L'institutrice.

A l'évidence l'israelien a le même talent que son collègue mexicain, mais il a aussi les mêmes chevilles qui enflent - dans une proportion toutefois moindre que Reygadas, qui aux dernières nouvelles ne pouvait plus chausser que des moonboots.

Mais revenons à nos moutons. Un petit garçon (qui serait à l'image de Nadav Lapid lui-même, en toute modestie) écrit de magnifiques poésies à 5 ans. Son institutrice le défend. Ou l'utilise. 

Sur cette base plutôt intéressante, Lapid construit un portrait de femme subtilement dépressive, à la sexualité hésitante et aux buts incertains. Il confronte la figure hiératique de l'actrice Sarit Larry (impressionnante) à une gamme de situation assez convenues, mais souvent incroyablement bien filmées. L'institutrice est baignée dans une lumière d'une pureté solaire, et certains de ses mouvements de caméra sont sublimes. Lapid se moque un peu du scénario, et joue, parfois avec brio, à se faire plaisir.

Ses exploits esthétiques ne sauvent pourtant pas le film qui sombre lentement dans une marre d'ennui glacé. 

 

2e

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Le procès de Viviane Amsalem

Le propos du dernier film de Ronit et Shlomi Elkabetz est assez limpide : une femme israélienne souhaite divorcer de son mari, car elle ne l'aime plus (et probablement ne l'a jamais aimé). Comme les divorces sont sous l'autorité d'un tribunal rabbinique, il est nécessaire d'obtenir l'accord du mari. Ce dernier ne souhaite pas lui donner, bien qu'il n'ait rien à lui reprocher (ils sont séparés depuis 3 ans).

A partir de cette trame psychologiquement puissante, le film étire un long huis-clos passionnant. Les audiences, tantôt courtes, tantôt plus longues, se suivent sans qu'on ait jamais le sentiment de redite. Il faut dire que le scénario étonne par son inventivité : production de témoins inattendus, renversements de situation, mise en cause de l'impartialité des parties prenantes, crise de nerfs.

L'intrigue se mue progressivement en thriller (le divorce sera-t-il prononcé, oui ou non ?), tout en interrrogeant avec une belle acuité la société israélienne, et la place qui y est faite aux femmes. Les dialogues sont d'une finesse extrême, on pense on cinéma de Farhadi, et surtout au début d'Une séparation. Miracle du film : même l'époux ne parvient pas à être complètement antipathique, alors qu'il est en train de détruire la vie de son épouse.

Une franche réussite, un excellent moment.

 

3e 

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Bethléem

Il faut parfois se tourner vers des régions dont on voit peu de films (Scandinavie, Amérique du sud, Israel) pour retrouver ce qui fait l'essence du cinéma populaire : un scénario travaillé, un découpage millimétré et un casting parfait.

Bethléem réunit ces ingrédients pour nous raconter une histoire finalement assez classique, celle d'un agent de renseignement (israélien) qui s'attache un peu trop à son indic (palestinien). Une trame qui rappelle d'ailleurs le beau film palestinien Omar, présenté à Cannes l'année dernière. Comme dans ce dernier, on est surpris par l'efficacité déployée par le réalisateur Yuval Adler : les scènes d'action sont hyper-prenantes (la traque d'Ibrahim, la scène de la cage d'escalier) et la montée du suspense parfaitement gérée. La mise en scène très musclée et le montage raffiné, construit sur une série d'ellipses subtiles, rendent le film haletant. 

D'un point de vue politique, ce que donne le film à voir de la réalité palestinienne (intrigues politiques fratricides entre factions) n'est pas très reluisant, mais malheureusement ne doit pas être très éloigné de la réalité. Cette complexité inhérente au film est bien gérée par un scénario somme toute limpide, qui ménage à chaque embranchement narratif une incertitude redoutable, souvent tranchée d'une façon scorsesienne.

La réussite du film tient également à une interprétation hors pair. L'agent israélien et ses collègues sont parfaits, ils expriment parfaitement la routine d'un travail par ailleurs exceptionnellement dangereux. Le jeune indic joue les hésitations et la frustration de la jeunesse d'une manière remarquable. Les Palestiniens sont incroyables, et l'acteur qui joue Badawi parvient à insuffler à son personnage quelque chose du magnétisme d'un De Niro.

Une réussite en tout point.

 

4e

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Le congrès

Le nouveau film d'Ari Folman vaut d'abord par l'interprétation magistrale de Robin Wright.

Le congrès se décompose en deux parties. La première, en prises de vue réelles, nous décrit comment une actrice de second plan, ayant fait beaucoup de mauvais choix dans sa carrière, se voit proposer de devenir "numérisée". Elle doit accepter de se faire modéliser, puis abandonner tout droit sur l'exploitation qui sera faite de son image.

Cette première partie est captivante. Il y règne une atmosphère à la limite du fantastique, grâce notamment au décor stupéfiant de l'entrepôt dans lequel vit l'héroïne et ses enfants. Robin Wright y joue en quelque sorte son propre rôle (en tant qu'ex-actrice de Santa Barbara et de Princess Bride), et elle est bouleversante. Les seconds rôles sont assez caricaturaux, mais plaisants.

Une fois la numérisation effectuée, le film se projette dans l'avenir, et commence la partie d'animation, qui m'a pour tout dire hérissé. Je n'aime pas le style cartoon du dessin, qui d'ailleurs n'est pas celui des photos circulant sur Internet, ce qui surprend beaucoup et d'une certaine façon constitue une sorte de tromperie. L'intrigue est extrêmement complexe : il s'agit de vie dans un monde virtuel, et de céder maintenant plus que son apparence : son essence. Pas évident de raccorder ce qu'on voit à la réalité, et d'ailleurs, quand le film s'y risque à la toute fin, le résultat n'est pas probant.

Le congrès est un film ambitieux construit sur des thématiques quasi-philosophiques (comme celle du choix, omniprésente), mais qui n'évite pas les naïvetés et la sensiblerie (l'histoire du fils), et parfois le mauvais goût. Le scénario est stimulant intellectuellement (on songe entre autres à Philip K. Dick, à Matrix et à David Lynch), mais par trop foisonnant. Le film fourmille d'idées de toute sorte, ce qui le rend intéressant, mais laisse l'impression finale de ne pas avoir été maîtrisé de bout en bout.

Une expérience à tenter pour les plus curieux.

 

2e

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Le voyage du directeur des ressources humaines

En cette période de fin d'année je vous conseille chaudement le nouveau film d'Eran Riklis (Les citronniers) : vous y trouverez votre compte d'émotions, de sourires, se surprises et de découvertes.

Le film s'avère être un trait d'union symbolique entre deux des pays les plus intéressants cinématographiquement à l'heure actuelle : Israel et la Roumanie.

Première partie à Jérusalem. Une employée d'une grande boulangerie meurt dans un attentat. Personne ne réclame son corps. Il s'avère qu'elle avait été licenciée il y a 1 mois, sans que le DRH ne le sache. Article de journal incendiaire, imbroglio : ce dernier doit pour restaurer l'image de son entreprise raccompagner le corps en Roumaine.

Deuxième partie en Roumanie, où le contraste est saisissant, tant du point de vue de la météo que des mentalités. Le film prend alors les dimensions d'une épopée picaresque de première qualité avec tous les ingrédients propres au genre : évolution des relations entre personnages, lieux improbables, problèmes administratifs et techniques de tout genre.

Le film est brillamment réalisé, monté dans un excellent tempo, parfaitement interprété par les acteurs et en particulier Mark Ivanir, qui trouve un ton très juste.

Bref,  pas grand-chose à reprocher à cette friandise cinématographique qui sait distiller toute une palette d'émotions sans jamais être mièvre : pas étonnant que le film ait obtenu le Prix du public au dernier festival de Locarno.

 

3e

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Ajami

J'éprouve rarement le sentiment enivrant de voir un film génial. Vous le savez, si vous venez souvent sur ce blog, j'ai plutôt la dent un peu dure. 

Lisez donc bien ce billet, et ensuite foncez voir Ajami si vous avez la chance d'avoir une projection près de chez vous.

Pour faire simple : c'est le plus beau film choral que j'ai vu, et quand vous songez à la concurrence dans ce domaine (Short cuts en tête), ce n'est pas un mince compliment. Nous suivons à travers plusieurs chapitres les destinées d'Omar, plongé malgré lui dans une affaire de règlement de compte avec un clan mafieux, amoureux d'une chrétienne, de Malek, jeune clandestin de la région de Naplouse, de Dando, policier juif dont le frère a disparu, de Binj, jeune arabe branché qui sort avec une juive et dont le frère fait une grosse bêtise, et de plusieurs autres personnages. Chacun, outre son caractère propre, parfaitement dessiné, nous donne à réfléchir sur la société israélienne d'aujourd'hui.

Tous ces personnages vont se croiser, leurs histoires se heurter, s'entrechoquer. Comme dans les meilleures histoires de ce type, plusieurs scènes sont revues, avec à chaque fois un angle qui nous fait découvrir un évènement différent : du grand art.

Un scénario machiavélique, une galerie de personnages hors du commun, une vision magnifique de Jaffa, ville cosmopolite où les différentes communautés religieuses cohabitent, mais encore une mise en scène formidable, tout le contraire d'une machine tape à l'oeil : sereine, intelligente. Les deux réalisateurs savent jouer d'une palette subtile alternant les mouvements de caméras élégants, jouant magnifiquement avec les lumières orientales, offrant des gros plans de visages extrêmement touchant. Ils redonnent aussi un sens véritablement dramaturgique  - presque moral pour paraphraser Godard - au fondu au noir.

Le premier vrai gros choc de l'année 2010.  A voir absolument.

 

4e 

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