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Christoblog

Articles avec #espagne

Le cercle des neiges

Pas grand-chose à dire de positif ou de négatif à propos de ce film de Juan Antonio Bayona, qui met ici en oeuvre le même savoir-faire pour filmer les catastrophes que dans The impossible.

Le film est une reconstitution assez efficace de la fameuse histoire bien connue de l'équipe de rugby uruguayenne échouée dans la cordillère des Andes en 1972. On attend pendant une bonne partie du film les premières scènes de cannibalisme, qui sont traitées avec pudeur et intelligence.

Quelques séquences parviennent à être réellement spectaculaires (celle de l'avalanche par exemple) et globalement le film vaut surtout pour ses extraordinaires décors naturels. Pour le reste, c'est du très classique et les destins individuels des différents passagers ne nous émeuvent pas beaucoup.

Juan Antonio Bayona sur Christoblog : The impossible - 2012 (**)

 

2e

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Les repentis

Iciar Bollain traite ici d'un sujet assez proche de celui du film Je verrai toujours vos visages, sur un mode encore plus casse-gueule puisqu'il s'agit d'une veuve qui rencontre le véritable assassin de son mari.

Il est amusant de constater que les deux films présentent des qualités semblables : une sécheresse dans la construction et le montage, une capacité à éviter les écueils d'un sentimentalisme trop lacrymal. 

Les repentis est dans cette optique encore plus dépouillé et plus âpre que le film français : on est ici dans l'exposé froid et absolument pas psychologisant d'un rapprochement entre deux êtres que tout devrait opposer. C'est vertigineux et souvent extrêmement beau. Les sentiments que le film génère sont très nombreux : incompréhension, curiosité, étonnement, émotion, peur, révolte.

Un film d'une grande beauté, sec et musculeux, servi par un couple Tosar / Portillo de très haut niveau.

Iciar Bollain sur Christoblog : Katmandu, un miroir dans le ciel - 2011 (**)

 

3e

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Les tournesols sauvages

Jaime Rosales est sûrement le réalisateur espagnol le plus sous-estimé en France.

Son cinéma est en effet d'une sensibilité rare et d'une grande qualité formelle.

Dans ce film, le Catalan s'attache à faire le simple portrait d'une jeune mère célibataire de notre temps, pleine d'énergie mais pauvre en moyens, et lestée par deux enfants.

On suit avec intérêt les tentatives de la jeune femme pour se rapprocher de trois hommes différents : un culturiste potentiellement violent, le père de ses deux enfants, puis un homme sensible déjà père lui aussi. 

S'il ne se passe pas grand-chose d'un point de vue narratif, la qualité du portrait est telle que le film laisse finalement une trace sensible dans l'esprit du spectateur, séduit par l'énergie interne du personnage de Julia, joué par l'excellente Anna Castillo, qui irradie la pellicule, et par le sentiment de spontanéité naturelle qui ruisselle de chaque plan.

Les tournesols sauvages réussit un mélange parfait de réalisme cru et de sensibilité intelligente, captant les variations d'humeur des différents personnages en seulement quelques plans, parfois zébrés d'audacieuses ellipses.

Un très beau film.

Jaime Rosales dur Christoblog : Petra - 2019 (***)

 

3e

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Venez voir

Comme dans l'un des films précédents de Jonas Trueba, le remarquable Eva en août, il ne se passe presque rien dans Venez voir.

On suit deux couples de trentenaires, d'abord lors d'une soirée dans un bar, puis lors d'une visite de l'un chez l'autre, quelque part dans la campagne près de Madrid.

La caméra s'attarde longuement sur les visages, baignés d'une lumière qu'on dirait irréelle, alors que les personnages ne font rien de spectaculaire (écouter un pianiste les yeux dans le vague, enfiler une paire de chaussettes plus chaudes, faire pipi dans la nature).

Certains, devant la pauvreté narrative du film et sa brièveté presqu'exagérée  (1h04), trouveront probablement qu'on frôle ici l'arnaque conceptuelle d'un cinéma bobo-intello, précieux et vain. D'autres, dont je fais partie, trouveront remarquable ce néant lumineux, captivés par la grâce de la mise en scène et de la direction d'acteurs.

Peu de cinéastes sont capables de faire surgir autant de subtilités de conversations banales : on pense  évidemment à Rohmer, mais peut-être encore plus à Hong Sang-Soo.

Jonas Trueba sur Christoblog : Eva en août - 2020 (***)

 

2e

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As bestas

Beaucoup d'éléments intéressants dans le dernier thriller psychologique de Rodrigo Sorogoyen : une vraie maestria dans la mise en scène, sèche, nerveuse et souvent inspirée, et un casting irréprochable. La prestation de Ménochet est une fois de plus impressionnante, à la fois par la présence physique qu'il impose à l'écran, et les éclairs de fragilité qu'il parvient à insérer dans son rôle de personnage massif. Marina Fois est elle aussi excellente, dans un rôle où son jeu dépouillé fait merveille.

Le film ennuie toutefois par moment, du fait de l'étirement inutile de certaines scènes, et d'une inadéquation entre le script (qui tient en 5 lignes) et la durée du film (2h17). Autrement dit, tout est bien dans le film, mais tout y semble exagérément délayé.

Le personnage de la fille ne m'a pas semblé extrêmement utile dans le développement du film, et le sujet de la différence de classe sociale entre les protag aurait pu être à mon sens creusé. Reste au final une oeuvre intéressante, parsemée de moments de tension bien réalisés.

Rodrigo Sorogoyen sur Christoblog : Que Dios no perdone - 2017 (*) / El reino - 2019 (***) / Madre - 2020 (**) 

2e

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El buen patron

Le nouveau film de Fernando Leon de Aranoa a triomphé lors de la dernière cérémonie des Goya (l'équivalent de nos César), puisqu'il a remporté six statuettes, dont celle de meilleur film 2021.

El buen patron est une farce caustique, dans laquelle le patron d'une petite entreprise manoeuvre pour obtenir un prix d'excellence régionale, n'hésitant pas à prendre les décisions les plus cruelles.

L'usine fabrique des balances (ce qui donne lieu à plusieurs variations évidentes autour de l'équilibre et de l'équité). Elle est filmée un peu comme dans un Wes Anderson, à coup de travelings de toutes formes. La décoration artistique du film accentue son aspect un peu factice : costumes très expressifs, décors top much, personnages parfois réduit à des silhouettes caricaturales.

Le résultat n'est pas déplaisant à regarder, Javier Bardem étant comme souvent assez convaincant dans son rôle de jovial salaud. J'ai eu toutefois un peu de mal à saisir les raisons du phénoménal succès du film en Espagne, ses enjeux narratifs étant à mon sens trop éloignés de la réalité pour vraiment interpeller (la violence du capitalisme outrancier sont autrement plus réalistes dans le récent Un autre monde). 

L'aspect le plus réjouissant du film réside sûrement dans l'invention de deux personnages secondaires encore plus ambitieux et sans scrupule que le patron : le caractère décidément très noir de la pochade y gagne encore quelques degrés de méchanceté.

Le film est épisodiquement drôle, il peut donc être distrayant si vous n'avez rien de mieux à vous mettre sous les yeux.

Fernando Leon de Aranoa sur Christoblog : Amador - 2010 (****) / A perfect day - 2015 (***)

 

2e

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Compétition officielle

Il y a en Espagne en ce moment une mode des comédies caustiques et cruelles ! Après le chef d'entreprise cynique de El buen patron, voici le clash d'egos d'une réalisatrice imbue d'elle-même (formidable Penelope Cruz), d'un acteur de type hollywoodien (Antonio Banderas au summum de superficialité bling-bling) et enfin d'un comédien de théâtre radical (Oscar Martinez très à l'aise dans son rôle de rabat-joie).

Le film enchaîne les scènettes plus ou moins amusantes avec une belle inventivité (la scène du baiser avec la figurante, celle du rocher, celle des prix). Au delà du plaisir vaudevillesque des aventures du trio, Compétition officielle propose une réflexion incidente sur la condition d'acteur, par forcément très profonde, mais la plupart du temps plaisante.

Distrayant, ne serait-ce que pour la prestation rayonnante de l'inoxydable Penelope Cruz, toujours au top.

 

2e

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Libertad

Présenté à la Semaine de la Critique 2021 et couronné par le Goya du meilleur premier film, Libertad est un joli film sensible.

Les thématiques abordées ne sont pas très originales : une amitié entre deux jeunes adolescentes de classe très différentes (l'une est la fille de la maîtresse de maison, l'autre de la domestique colombienne), la position ambigüe d'une employée de maison qui à la fois fait partie de la famille et peut en être exclue sans autre forme de procès (un classique du cinéma sud-américain - même si le film est ici espagnol), les premiers émois sensuels de jeunes adolescentes, la maladie d'Alzheimer qui s'abat sur la grand-mère. 

Rien de bien nouveau donc, mais une manière élégante, un scénario qui tisse habilement des liens entre les différents personnages, une mise en scène fluide et surtout des actrices formidables.

On est donc globalement séduit par cette chronique estivale assez classique qui ouvre la Quinzaine du cinéma espagnol et sud-américain de Chambéry, et on surveillera la carrière de la scénariste réalisatrice Clara Roquet, qui, nous a-t-elle dit ce soir, prépare un second long-métrage de fiction dont le sujet sera le polo en Argentine.

 

2e

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Madres paralelas

On est bien chez Almodovar : décoration intérieure et costumes aux couleurs pimpantes (le vert omniprésent !), Penelope Cruz en muse, Rossy de Palma en second rôle, une intrigue alambiquée, l'opposition campagne / Madrid, une mise en scène d'une élégance rare, la petite musique d'Alberto Iglesias, la sensation du temps qui passe, l'orientation sexuelle flottante, les dilemmes moraux, et la famille.

Tout est là, mais je suis resté un peu extérieur au film, comme si j'assistais à un cours d'Almodovar. Le film n'est pas désagréable à regarder et emporte le morceau grâce à l'incroyable Penelope Cruz qui irradie l'écran, mais Madre paralelas est un exercice de style qui manque un peu de chair et d'épaisseur. Il faut attendre la toute fin pour éprouver une véritable émotion, lors d'une scène qui n'est par ailleurs pas totalement satisfaisante.

Le film plaira aux inconditionnels du réalisateur espagnol, qui retrouveront avec plaisir la petite musique devenue depuis plusieurs films sa marque de fabrique, ici jouée adagio, sans morceau de bravoure ni étincelle géniale. 

Pedro Almodovar sur Christoblog : Femmes au bord de la crise de nerf - 1989 (***) / En chair et en os - 1997 (***) / Etreintes brisées - 2009 (***) / La piel que habito - 2011 (***) / Les amants passagers - 2013 (**) / Julieta - 2016 (****) / Douleur et gloire - 2019 (****) / La voix humaine - 2020 (**)

 

2e

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La voix humaine

Pas facile de parler de cet objet curieux que j'ai du mal à appréhender : à peine plus qu'une publicité pour Nespresso, un peu moins qu'un moyen métrage, La voix humaine résiste à la catégorisation.

Le mieux est peut-être de l'envisager comme une dette vis à vis du temps qui passe : on se souvient que dans Femmes aux bord de la crise de nerf, il était déjà question de mettre en scène cette pièce de Cocteau. Ou peut-être comme une sorte de manifesto : moi, Almodovar, esthète devant l'éternel, je vais jouer avec les couleurs (je milite pour la création du rouge Almodovar), la réversibilité des décors, le sens du rythme et le choix des accessoires, l'utilisation judicieuse de la musique, la beauté insondable des vêtements, autant de sujets que je maîtrise et que j'aime.

Dernière option possible : le film est le compte-rendu de la rencontre d'Almodovar entomologue et de la mante religieuse Tilda Swinton, l'actrice qui ne perd jamais une occasion de tourner avec les plus grands.

Le résultat ne m'a pas réellement enthousiasmé, même s'il me faut admettre qu'il est admirable par certains aspects. La voix humaine est au pire une curiosité de cinéphile, au mieux une friandise pour les fans. Le contenu narratif de l'oeuvre est égal à son pitch, tout l'intérêt réside donc dans sa forme, almodovarienne en diable, sans déchet, sans graisse, mais aussi curieusement sans beaucoup de goût.

A vous de voir.

 

2e

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Eva en août

Voici un film espagnol très curieux dont on peut légitimement se demander à quel courant créatif on pourrait le rattacher. 

Eva, jeune actrice trentenaire, sans logement, emprunte l'appartement d'une connaissance et sillonne un Madrid déserté du 1er au 15 août. 

Le film excelle à saisir la texture du temps qui s'écoule comme de la glu dans la chaleur estivale,  les ondoiements sensuels de la lumière et le léger spleen qui semble consubstantiel à tous les personnages de son âge qu'Eva rencontre.

La mise en scène de Jonas Trueba possède une touche légère et délicate. Elle sert admirablement le propos du film (co-écrit par l'actrice Itsaso Arana, dont on ne peut s'empêcher de penser qu'elle est le double de son personnage).

Les décors nocturne, l'ambiance de fête larvée, les vigoureuses ellipses, les fausses impasses du récit, la qualité éblouissante de la direction d'acteurs : beaucoup d'éléments dans ce film le rendent extrêmement attachant.

Une belle découverte.

 

3e

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Madre

Madre, exercice de style bien léché, confirme que Rodrigo Sorogoyen est un réalisateur doué et maniériste.

Doué d'abord, parce qu'on ne peut pas nier que sa mise en scène soit efficace, par moment tellement belle que cela en devient gênant : quelques plans semblent guidés plus par une volonté de "faire beau" que d'exprimer quelque chose.

Maniéré, parce que le film se complait dans une sorte de lenteur sourde et sentencieuse, comme El reino semblait vouloir nous égarer dans une excitation de tous les instants. Dans les deux cas, il s'agit, j'imagine, de refléter les états d'âmes des personnages principaux, quitte à paraître parfois un peu scolaire.

Personnellement, j'ai eu un peu de mal à adhérer à l'histoire qui m'était proposée. Probablement parce que l'ambition du film me semble se résumer à son programme clairement exposé dès les premières minutes du films (voire dès son premier plan) : le deuil va être long, compliqué et douloureux. Peut-être aussi parce que les personnages me semblent trop corsetés dans des postures qui n'évoluent pas tout au long du film, et qui sont souvent très caricaturales. Enfin, parce que le film est trop long de trente minutes.

Je reconnais toutefois que certaines scènes ne manquent pas de brio, comme celle du début, ou celle du repas avec l'ex-mari. Bien que téléguidée, la prestation de l'actrice Maria Neto, mérite aussi d'être vue. Elle a d'ailleurs reçu un prix à Venise.

Rodrigo Sorogoyen sur Christoblog : Que Dios no perdone - 2017 (*) / El reino - 2019 (***)

 

2e 

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Femmes au bord de la crise de nerf

Revoir Femmes au bord de la crise de nerf 30 ans après sa sortie procure de curieuses sensations.

En premier lieu, le souvenir d'une comédie complètement déjantée au style extrêmement choquant est balayé par ces retrouvailles. Si la fin du film est effectivement un poil foutraque, toute la première partie est plutôt lente, douce et teintée d'une certaine tristesse. D'autre part, tout ce qui pouvait sembler résolument nouveau en 1989 (les couleurs criardes, les vêtements et la déco invraisemblables, une certaine crudité dans l'expression des femmes sur leur sexualité) semble aujourd'hui tout à fait sage et convenu.

Le deuxième point qui saute aux yeux, c'est à quel point tout le cinéma d'Almodovar est déjà présent dans ce film, derrière la façade sympathique mais un peu factice de vaudeville survitaminé, que ce soit en terme de mise en scène (les gros plans sur les objets et les visages), de scénario (la complexité et la profondeur), ou de thématiques (les corps hors norme, les femmes puissantes qui se réalisent à travers les drames, le pouvoir des coïncidences, les troubles mentaux).

Le film qui donna au réalisateur espagnol une renommée mondiale mérite vraiment d'être revu : sa mécanique imparable et complexe fonctionne encore très bien et Carmen Maura y est excellente (même si le tournage fut pour elle un cauchemar et marqua le début d'une brouille durable avec Almodovar).

Dans Etreintes brisées, sorti en 2009, un personnage du film tourne un film dans lequel sont repris de nombreux détails de Femmes au bord de la crise de nerf (le téléphone rouge à terre, la préparation d'un gaspacho aux somnifères) : une façon pour le cinéaste madrilène de rendre hommage au film jalon de son début de carrière.

A (re)voir.

 

3e

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Douleur et gloire

Ce soir vendredi 17 mai 2019, j'ai eu la chance d'assister à la projection de Douleur et gloire dans le Grand Théâtre Lumière de Cannes, en présence de l'équipe du film.

Et le moins que l'on puisse dire, c'est que l'étreinte qu'échangèrent il y a quelques minutes Antonio Banderas et Pedro Almodovar avait une intensité incroyable. 

Le film est en effet une mise en abyme à plusieurs niveaux concernant l'homme et le cinéaste, interprété magistralement par l'acteur espagnol. 

Après un départ plutôt sage, baignant dans la lumière dorée des souvenirs d'enfance, Douleur et gloire empreinte brutalement des chemins plus escapés : il va être question d'héroïne, d'écriture, de problèmes de santé et de souvenirs plus ou moins agréables. 

Le film décolle à partir du moment où la mise en abyme se résout dans la rencontre de Federico / Marcello avec Salvador / Pedro. Ce moment de cinéma, un des plus beaux en matière de sentiments amoureux que j'ai pu voir ces dix dernières années, fait décoller le film vers des hauteurs qui semblent compatibles avec l'idée d'une Palme d'or.

Justesse des sentiments, perfection de la mise en scène, intelligence du montage, performance exceptionnelles de tous les acteurs : dans sa deuxième partie, le film-somme d'Almodovar semble capable de cumuler tous les superlatifs dans tous les domaines.

C'est simple et beau.

 

4e 

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Petra

Il faut sans nul doute avoir l'esprit un peu tordu pour imaginer un tel film (et pour l'aimer aussi, je suppose).

Cela commence comme une chronique bourgeoise sous prozac : une jeune femme très avenante arrive comme stagiaire chez un célèbre artiste pervers narcissique.

On se doute assez vite que quelque chose d'anormal sous-tend leur relation, mais on est bien en mal d'imaginer les rebondissements retords et spectaculaire que le réalisateur va nous infliger pendant 1h47, à travers un montage compliqué qui alterne sept périodes dans un beau désordre chronologigue.

Petra est un film glacial et intellectuel, dans lequel la jouissance réside dans l'assemblage minutieux d'un puzzle diabolique, servi par une mise en scène fluide qui aime à filmer les espaces vides, semblant surprendre presque par hasard les interactions entre personnages. 

J'ai aimé la construction et le brio glacé du film. Le fait qu'il soit dénué d'émotions ne m'a pas dérangé. J'ai pourtant quelques scrupules à le conseiller : il y a chez Jaime Rosales l'aspect glacial d'Haneke allié à la stimulation intellectuelle de Farhadi, le tout sous influence de la tragédie grecque. Pas évident que le croisement plaise au grand nombre.

 

3e

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El reino

Ayant très moyennement apprécié l'esbroufe désordonnée du film précédent de Roberto Sorogoyen (Que dios nos perdone), je suis allé un peu à reculons voir El reino.

Si le style de réalisateur est toujours le même (tour de force permanent dans la mise en scène et narration saccadée), j'ai trouvé que la conduite du film était cette fois-ci menée avec beaucoup plus de maîtrise.

Ce qui paraissait outré et invraisemblable dans le film précédent du réalisateur espagnol semble ici mieux coller au scénario. On est donc progressivement happé par le toboggan sensoriel que constitue El reino : tour à tour fasciné et dégoûté par ce monde de collusions politiques à la petite semaine, puis associé presque contre notre gré à la cavalcade sauvage de son héros, avant de finir hébété devant le plan final, qui nous laisse comme deux ronds de flan.

Alors, oui, c'est du cinéma décomplexé du travelling et qui ne rechigne pas aux effets les plus faciles (du fish eye bien angoissant au gros plan bien resserré), bref du cinéma à la Sorrentino (le génie baroque en moins), mais cette fois-ci je suis plutôt tombé avec plaisir dans les pièges qui m'étaient grossièrement tendus. L'interprétation époustouflante - et épuisante - d'Antonio de la Torre n'y est pas pour rien.

Roberto Sorogoyen sur Christoblog : Que Dios no perdone - 2017 (*)

 

3e

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La piel que habito

Bon, allez, on ne va pas tourner autour du pot : c'est un Almodovar pur jus, tourné en roue libre par Pedro.

Voilà. Donc, vous savez déjà ce que vous allez y trouver avant de le voir : du sexe, de la violence, des histoires de famille, une réflexion sur le corps, des décors toujours choisis avec un goût à la fois kitsch et très sûr, des acteurs et actrices plutôt très bons et entièrement dévoués au maestro, la musique pseudo classique de Iglesias, une chanson culte, un scénario alambiqué avec retour dans le passé, de discrets mais élégants mouvements de caméra, un sens du cadre absolu, des coups de feu, une confusion des genres, etc...

L'émotion manque parfois, les péripéties sont un peu trop prévisibles (tout en étant complètement improbables, c'est la curiosité du film) et certaines scènes semblent tournées par un assistant peu inspiré, mais ça reste tout de même au global du bel ouvrage. 

 

3e

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Julieta

Avec Almodovar, on viellit ensemble. Quand il était en âge de tourner Femmes au bord de la crise de nerf, j'étais en âge de le regarder (avec un petit effet retard, car il a quand même 16 ans de plus que moi).

Aujourd'hui, je dois donc être particulièrement bien disposé à recevoir Julieta et ses thématiques (le temps qui passe, le rapport aux enfants qui grandissent, le retour sur le passé).

Il me semble qu'Almodovar, avec ce film, accentue ses rapprochements avec Hitchcock, déjà perceptibles dans certains de ses films précédents.

L'atmosphère créée au début du film est par exemple volontairement mystérieuse. Le flash-back du train est à ce titre exemplaire, et comporte tout ce que le film a d'excellent. Il commence par "J'ai rencontré ton père dans le train". On voit un homme s'asseoir en face de l'héroïne, on pense que c'est lui ! Mais non. Pourtant le rôle de cet homme va être décisif pour la suite. Il règne dans toute cette scène une ambiance qui n'augure rien de bon (le cerf est bizarre, le choc du train est montré à l'aide de ralentis anxyogènes) alors qu'elle est aussi la rencontre sensuelle de Julieta et de Xoan.

Autre similitude avec les films d'Hitchcock : l'attention extrême qu'accorde Almodovar à la forme. Le film est en tous points magnifique formellement : les décors sont sublimes (les couleurs de l'appartement de Julieta !), la musique est envoutante, la mise en scène d'une fluidité magistrale, à l'image de cette séquence incroyable où les deux actrices jouant le même personnage se succèdent dans le même plan. C'est très lentement et avec beaucoup de subtilité que l'intrigue se dévoile petit à petit.

Un très beau film porté par un groupe d'actrices magnifiques, incluant une fois de plus l'impayable Rossy de Palma en domestique acariâtre.

 

4e  

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La niña de fuego

Froid et désincarné, le deuxième film du jeune réalisateur Carlos Vermut est un divertissement intellectuel un peu vain. 

Le scénario, prétendument complexe, est en fait assez simple : un banal chantage entre deux personnes qui se rencontrent par hasard. Assez classiquement, le maître chanteur, issu d'une classe sociale moins favorisée que sa sa victime, passe à l'acte pour des raisons sentimentales.

Le pseudo-mystère du film se construit autour de deux fausses bonnes raisons : un agencement temporel présentant les trois principaux personnages de façon séquentielle, et un énorme trou noir au milieu du film, par ailleurs limpide, autour de la personnalité de Barbara.

La jeune femme, personnage principal du film, cumule donc les mystères. On ne saura rien (attention, spoilers) de son passé sulfureux, de ses pratiques sexuelles, se son traitement médical, des liens qu'elle entretient avec son mari, de son état psychologique, de ses cicatrices, de ces relations avec l'organisatrice des orgies, de ce qu'elle a vécu par le passé avec le personnage de Damian (et pourquoi celui-ci a fait de la prison)...

Les acteurs semblent passer dans ce schéma mental sur pellicule un peu par hasard, n'incarnant qu'à contre coeur leur personnage. Les péripéties sont par ailleurs souvent à la limite du crédible (l'enregistrement nocturne sur le téléphone portable par exemple).

La niña de fuego est intellectuellement stimulant, mais manque cruellement de chair.

 

2e

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La isla minima

Le dernier film d'Alberto Rodriguez, présenté comme le meilleur film espagnol de l'année (il a raflé 14 prix, dont 10 Goyas), n'est somme toute qu'un polar très classique.

Les ingrédients sont bien connus : un couple de flics très différents, dont l'un semble avoir un lourd passé, des jeunes filles assassinées, violées et torturées, une ambiance glauque.

Le film cherche à paraître original par deux aspects annexes à sa trame principale : la période (celle de l'après-franquisme) et son cortège de compromissions, et le lieu (le delta du Guadalquivir). Les paysages, filmés parfois de très haut en plongée esthétisante, sont en effet incroyables, comme le montrent ces quelques exemples.

Malheureusement, ces deux aspects du film sont plaqués sur une histoire assez peu prenante au final, pleine de trous et de clichés (la vraie fausse médium), illustrée par une mise en scène scolaire et tape à l'oeil. 

Le film n'ennuie que ponctuellement, mais on peut aisément s'en passer.

 

2e 

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