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Christoblog

Killers of the flower moon

Le dernier (l'ultime ?) film de Martin Scorsese est impressionnant à plus d'un titre.

Sa première grande qualité est certainement la fluidité du récit, la capacité qu'a Scorsese de simplement raconter une histoire, en utilisant tous les artifices d'un cinéma "classique" (décors, mouvements de caméra, styles de narration). 

Il n'y a rien de profondément novateur dans Killers of the flower moon, mais on peut probablement utiliser le film pour donner un cours dans une école de cinéma, tant au niveau de la variété d'écriture (par exemple la formidable séquence finale de reconstitution, ou la manière dont les photographies en noir et blanc sont utilisées) que de la mise en scène.

Ce grand talent de raconteur permet à Scorsese d'occuper pleinement les 206 minutes du film de façon satisfaisante. On ne s'ennuie presque pas. Le film a d'autres qualités, parmi lesquelles l'utilisation incroyable de la musique, vraiment de toute beauté, et la très jolie photographie.

Pourtant je ne partage pas l'avis des critiques les plus dithyrambiques, pour la raison suivante : j'ai globalement trouvé que les personnages n'étaient pas dessinés avec beaucoup de subtilité et surtout n'évoluaient pas tout au long du film, ce qui entraîne de longues plages de stagnation narrative.

Ernest par exemple, joué par Leonardo di Caprio, est un benêt sous influence qui commet les pires atrocités sans états d'âme apparents : j'avoue que j'ai eu du mal à entrer dans son jeu, marqué par une moue un peu trop démonstrative à mon goût.

Je pourrais multiplier les exemples concernant les autres personnages, mais c'est surtout la peinture que le film fait de la communauté indienne qui me dérange le plus : passive, quasiment complice de sa propre disparition (à l'image du personnage sacrifié de Mollie qui semble pardonner à son mari l'assassinat de ses soeurs) et monolithique.

Pour résumer, le film se laisse voir semble déplaisir, mais aurait gagné à caractériser plus finement ses personnages.

Martin Scorsese sur Christoblog : Shutter island - 2010 (**) / Hugo Cabret - 2011 (***) / Le loup de Wall Street - 2013 (****) / Silence - 2016 (***) / The irishman - 2019 (***) 

 

2e

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Gazette du Grand Bivouac 2023

Les grands voyageurs et les amoureux du monde se retrouvent à Albertville pour une orgie de films documentaires, de conférences et de rencontres au salon du livre. L'ambiance est festive, multiculturelle et bon enfant au bord de l'Arly : un rendez-vous qui gagne à être connu !

16 octobre

Premier film au 88 bis : Longo maï - Ukraine (2/5) nous présente le tableau d'une communauté utopiste Longo maï (autogestion, écologie, solidarité) gérant une ferme dans l'Ouest de l'Ukraine au moment où éclate la guerre. J'aurais aimé plus d'enjeux dramatiques : que les problèmes liés à l'afflux de réfugiés dans le village soient approfondis, ou alors que le fonctionnement de la ferme soit montré plus en détail. Le résultat est trop lisse, trop sage. Le film fait partie d'une série de six films appelés "Utopies", disponibles sur France TV.

17 octobre

J'ai eu le plaisir de présenter aujourd'hui le beau La pantalla andina (3/5) de Carmina Balaguer. Sorte de Cinema Paradiso dans les Andes argentines. On suit une équipe qui apporte un cinéma de fortune dans un village reculé de montagne : c'est un film doux et efficace, qui présente une belle galerie de portraits de femmes confrontées à des conditions de vie très difficile. Présentés dans une quinzaine de festivals dans le monde, je ne sais pas s'il sera visible en France.

18 octobre

Pas de cinéma pour moi aujourd'hui, mais un concert du groupe Kutu, revigorant. La présence incroyable de la chanteuse éthiopienne Hewan Gebrewold et l'énergie électrique du violoniste Théo Ceccaldi électrisent le Dôme. Entre électro-transe et éthio-jazz. 

20 octobre

L'iceberg (3/5), de David Tiago Ribeiro, joue sur deux registres : il nous propose d'abord le portrait du cabochard et aventurier Franck Bruno isolé dans une cabane du Groenland, et il restitue un beau parcours de vie puisqu'on accompagne un groupe de personnes très différentes dans un trek révélateur. Très émouvant. Le film sera visible sur Ushuaïa TV en janvier.

La soirée est consacrée à un formidable documentaire, Amany, behind the lines (4/5) qui nous donne à voir le travail de la caricaturiste syrienne Amany dans son appartement d'Idlib. On entre dans son intimité et on découvre son travail : c'est passionnant et émouvant. On peut échanger en direct avec elle à la fin de la projection par visio, en présence de Plantu et Reza, s'il vous plait !

21 octobre

Découverte de Polaris (3/5), d'Ainara Vera, un portrait élégiaque de deux soeurs à la fois très proches et très différentes, marquées par la vie. Le film est audacieusement mis en scène avec de vrais partis-pris poétiques et mélancoliques. Il annonce à mon sens l'émergence d'une grande réalisatrice. Présenté à l'ACID Cannes 2022, il est discrètement sorti en salle en juin 2023.

 

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Club zéro

Rien ne va dans le nouveau film de Jessica Hausner.

S'il est entendu qu'il s'apparente plus à un conte qu'à un récit réaliste, il n'en demeure pas moins que l'école qui sert de décor au film est tellement invraisemblable qu'on a beaucoup de mal à entrer dans le film. La décoration, les costumes, les locaux : tout est froid, stylisé, désincarné à l'extrême (le cours de mandarin, le trampoline, la danse). 

On ne s'identifie évidemment à aucun personnage (la profondeur psychologique est nulle), mais plus grave, on se désintéresse assez vite de ce que l'on voit. 

Les dialogues semblent une compilation de tous les sujets à la mode, sans que l'on saisisse jamais où veut en venir la réalisatrice. S'il s'agit de dénoncer les excès de certaines théories, alors le film est très maladroit. S'il s'agit de dénoncer les abus d'une classe dominante, cela a été fait mille fois. 

Je me demande si le sujet du film n'est pas tout simplement de filmer des décors stylés comme une maison de poupée.

Une petite chose prétentieuse sans intérêt, qui pète plus haut que son cul, et qui ne me réconcilie pas avec la réalisatrice autrichienne, déjà coupable du calamiteux Little Joe.

Jessica Hausner sur Christoblog : Litlle Joe - 2019 (*)

 

1e

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Le règne animal

En opposition à la plupart des avis et critiques, je n'ai pas été enthousiasmé par le deuxième film de Thomas Cailley.

Si les premières scènes sont assez réussies, je trouve que Le règne animal s'égare assez vite, hésitant maladroitement entre plusieurs intentions. 

Le premier style auquel s'essaye le film est le body horror adolescent, dans lequel un jeune corps se transforme en monstre. C'est un sujet particulièrement à la mode (le film malaysien Tiger stripes, également à Cannes cette année, traite par exemple du même sujet) mais que Cailley ne maîtrise pas à mon sens. Il peine à faire ressentir le véritable malaise qui s'empare de la victime, ce que réussissait parfaitement le Teddy des frères Boukherma, dont on a parfois l'impression de voir une redite (les griffes sous les ongles, les bosses sous la peau, les poils).

Il faut dire qu'Anthony Bajon est un acteur mille fois meilleur que le transparent Paul Kircher, dont l'éternel moue boudeuse m'horripile ici autant que dans Le lycéen.

Le règne animal est aussi le portrait d'un couple père poule / enfant confronté à une catastrophe extraordinaire, comme l'est d'ailleurs le récent Acide. Mais dans les deux cas, le papa est un peu à la remorque de l'action, et comme dans le film de Just Philippot, les scènes les plus spectaculaires dans lesquelles le paternel essaye de sauver son enfant, qui devraient être des climax, sont assez mal filmées (les trucages avec l'homme oiseau sont faiblards et la course dans le champ de maïs trop longue et sans enjeu dramatique).

Dans sa valse hésitation, le film fait un peu semblant d'être une romance (Adèle Exarchopoulos erre comme un personnage en quête d'auteur) et la relation avec la mère est trop sommairement traitée pour être intéressante (on peine d'ailleurs à l'identifier).

Le ton n'est jamais vraiment établi, tour à tour poétique, voire mystique (la nature, les écailles, les plumes), humoristique, angoissant, et même sociétal (le harcèlement, l'acceptation de la différence).

Il manque au film les moyens de son ambition, trop grande pour les capacités de Thomas Cailley et son équipe : le vertige métaphysique du franchissement de la frontière entre l'homme et  l'animal n'est que le prétexte à fournir des jolies images, au lieu de constituer le coeur vibrant du film, ce qu'il devrait être.

C'est donc raté.

Thomas Cailley sur Christoblog : Les combattants - 2014 (****)

 

2e

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Entre les lignes

J'ai vu ce film en 2021, au festival du Cannes, où il a été reçu de la pire des façons par l'ensemble de la critique. 

Il est d'ailleurs très rare qu'un film sorte plus de deux ans après sa présentation à Cannes : peut-être est-ce la durée qu'i faut pour faire oublier le mauvais souvenir, ou pour corriger le montage ?

Je peux dire en tout cas que dans sa version cannoise, c'est un des pire films qu'il m'a été donné de voir sur la Croisette. Le style est empoté, sirupeux, engoncé dans une reconstitution d'époque qui empeste le carton-pâte, à l'éclairage poudreux et aux images trop belles.

Olivia Colman et Colin Firth errent dans le cadre comme égarés dans un fiasco poussif. Ils n'articulent tous les deux que quelques mots, comme s'ils regrettaient d'être là.

Entre les lignes souffre d'un triple problème : d'écriture d'abord (les allers-retours entre époques ne se justifient pas), de rythme ensuite (les plans inutiles sont légions) et de mise en scène pour finir (il faut choisir un angle, ce qu'Eva Husson ne parvient pas à faire).

C'est Downton Abbey, en raté.

Eva Husson sur Christoblog : Bang gang - 2015 (*)

 

1e

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Le procès Goldman

Cédric Kahn propose dans son dernier film une plongée en apnée dans le fameux procès en appel de Pierre Goldman, militant d'extrême gauche (et accessoirement demi-frère de Jean-Jacques Goldman, qu'on voit brièvement dans le public, joué par le jeune Ulysse Dutilloy).

L'intérêt du film réside avant tout dans la performance hors du commun de l'acteur Arieh Worthalter, qui campe un Goldman incroyablement sûr de lui et provocateur. Il est superbement horripilant.

La mise en scène clinique de ce quasi huis-clos (le film se déroule presque exclusivement dans la salle de tribunal) génère un sentiment de réalité assez inhabituel. On est littéralement immergé dans ce procès dont le public semble découvrir en même temps que nous les rebondissements.

Le sujet entre en résonance avec la situation actuelle de la France (la police, le racisme, l'antisémitisme, le terrorisme, les inégalités sociales) et on est rivé à cette histoire qui entremêle avec habileté portrait psychologique, suspense et chronique historique.

Un grand film dans lequel Arthur Harari, co-scénariste de Anatomie d'une chute, joue le rôle de l'avocat Georges Kiejman : une année de films de procès pour lui !

A voir. 

 

3e

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Dogman

Le nouveau film de Luc Besson ne brille pas par sa finesse. Dogman revêt l'aspect d'un conte horrifique, duquel tout réalisme est banni. Il ne rechigne pas à multiplier les péripéties improbables et les séquences démonstratives.

Tout y est donc lourdingue : les effets, l'écriture, la mise en scène.  

Pourtant, et c'est le petit miracle du film, on est souvent captivé et parfois même ému. D'une certaine façon, c'est comme si la foi de Besson dans le pouvoir du cinéma parvenait à emporter le morceau, et à renverser les barrières du bon goût.

Dogman rappelle dans ce sens le dernier film de Darren Aronovsky, The whale. Dans les deux cas, il s'agit du portrait d'un être souffrant, physiquement diminué, isolé socialement et psychologiquement, filmé dans des lieux confinés, joué par deux interprètes incroyables. Les deux films peuvent perturber le spectateur par leur volonté d'émouvoir à tout prix, en utilisant parfois de grosses ficelles.

Pour ma part, mon opinion est au final plutôt favorable, tant la prestation de l'acteur Caleb Landry Jones (déjà remarqué dans le glaçant Nitram) est exceptionnelle.

A vous de voir.

 

2e

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Les feuilles mortes

Le dernier film d'Aki Kaurismaki ressemble aux précédents (personnages hiératiques manipulés comme des marionnettes, formalisme extrême de la mise en scène et de la photographie), mais parvient, ce qui n'est pas toujours le cas chez le Finlandais, à  générer de l'émotion.

Le fond (une belle histoire d'amour contrariée par le hasard) épouse parfaitement une forme encore plus brillante que d'habitude.

La durée du film, son montage à la fois alerte et mesuré, sa mise en scène délicate, sa direction artistique toujours très travaillée, mais aussi - et c'est une nouveauté - l'irruption de l'actualité dans l'histoire : tous ces éléments contribuent à sublimer la simplicité du film jusqu'à un final bouleversant. 

On sourit souvent, on rit parfois ("Tu n'es pas un homme ici en Finlande, peut-être au Danemark tu le serais"), et l'on est ému.

C'est très beau.

Aki Kaurismaki sur Christoblog : La fille aux allumettes - 1990 (***) / L'autre côté de l'espoir - 2017 (***) 

 

3e

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Acide

Je ne partageais pas complètement l'enthousiasme général qu'a généré le premier film de Just Philippot.

Je retrouve ici les défauts qui me gênait dans La nuée : des ficelles un peu grosses, une prime au sensationnel sur le psychologique.

Si le début du film est très efficace, jusqu'à la glaçante scène du pont, la seconde  partie me semble beaucoup plus faible : on croit de moins en moins à ce que l'on voit, le resserrement autour du personnage joué (assez bien) par Guillaume Canet est étouffant, et la scène finale dans le champ m'a semblé mal tournée et surtout mal montée. Le personnage de la jeune fille est tellement antipathique que l'empathie ne fonctionne que très partiellement (à vrai dire, il ne me m'aurait pas déplu qu'elle se prenne une petite douche de pluie acide).

La tentative de film catastrophe à la française est cependant assez rare pour être saluée. Il y a du talent chez Philippot, qui méritera d'être suivi dans la durée.

Just Philippot sur Christoblog : La nuée - 2021 (**)

 

2e

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Le livre des solutions

Le livre des solutions est en réalité un autoportrait de Michel Gondry, même si ce dernier s'en défend mollement.

Beaucoup des scènes se sont réellement passées (par exemple celle du concert), et Gondry utilise même des décors issus de sa vie (c'est la véritable maison de sa tante qu'on voit à l'écran).

On est donc partagé pendant tout le visionnage entre l'amusement et le malaise, car ce qui nous est montré n'est pas très reluisant : le réalisateur martyrise littéralement des collaborateurs/trices ("Tu crois que ça me fait plaisir de te réveiller en pleine nuit ?"). Il est lâche, inconstant, peu respectueux des autres.

Pour ma part, et peut-être parce que je pardonne beaucoup aux créateurs de génie, j'ai été franchement diverti par les mésaventures de ce cinéaste bipolaire et/ou hyperactif. Beaucoup de scènes m'ont arraché de francs rires, notamment celles qui font la part belle à la complémentarité parfaite entre un Pierre Niney survitaminé et une Blanche Gardin formidable de résilience constructive.

La puissance de l'imagination de Gondry est aussi bien illustrée, par exemple avec l'histoire du renard ouvrant un salon de coiffure. 

Très plaisant.

Michel Gondry sur Christoblog : Be kind, rewind - 2008 (**) / The green hornet - 2011 (**) / The we and the I - 2012 (****)

 

3e

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L'été dernier

Le sujet du nouveau film de Catherine Breillat est-il aussi scandaleux que ce qu'en disent la plupart des critiques ? 

Je ne trouve pas. Pour ce qui est de la relation amoureuse / sexuelle des deux protagonistes, il faut beaucoup d'imagination, me semble-t-il, pour la ressentir comme véritablement incestueuse : les deux sont à l'évidence consentants, expérimentés, et le lien d'autorité entre le jeune homme et sa toute nouvelle belle-mère (qui seul justifie l'infraction, car l'ado a largement la majorité sexuelle) n'est pas évidente.

La première partie de L'été dernier ne m'a donc pas vraiment convaincu, énième représentation de la naissance d'une relation estivale entre deux personnes que plusieurs éléments éloignent, sur fond de soleil écrasant, de baignade et de randonnée en deux roues. Une sorte de Call me by your name chez les bourgeois, mais dans lequel l'intensité des sentiments n'est pas réellement perceptible. La prestation de Samuel Kircher m'a parue très faible : le jeune acteur n'exprime en gros que deux émotions : la gouaille séductrice et la moue boudeuse.

La deuxième partie du film est plus intéressante et Léa Drucker y assez convaincante dans un rôle assez difficile. J'ai toutefois éprouvé l'impression curieuse de ne pas croire totalement à ce qui m'était proposé, comme si la volonté de démontrer l'emportait sur la vérité psychologique. Plusieurs passages m'ont semblé peu crédibles (le cambriolage par exemple). Les toutes dernières scènes m'ont semblé complètement artificielles, semblant ne vouloir que choquer au détriment d'une progression narrative raisonnée.

De la sensibilité et un vrai talent de mise en scène, gâchés par un manque d'incarnation rédhibitoire.

Catherine Breillat sur Christoblog : Romance - 1999 (*) 

 

2e

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Un métier sérieux

Un métier sérieux, peut-être, mais un film passablement ennuyeux.

Comme souvent, Lilti écrit une sorte de pensum qui coche toutes les cases de la bien-pensance à la mode Télérama, poursuivant son exploration des "métiers éprouvants pour lesquels on a pas assez de considération".

Les profs sont donc tous sympas, très unis et confrontés à toutes une série de personnes incapables (inspectrice distante, principal azimuthé, principal adjoint ridicule) et de circonstances contraires.

La dialectique qui préside à l'évolution de l'action est une dialectique de comptoir, comme il existe une psychologie de comptoir : les (rares) péripéties s'enchaînent sans surprise, dans le seul but apparent de valoriser de beau et noble métier d'enseignant.

On est donc nullement surpris, ni émus, sauf peut-être par la scène finale dans laquelle Adèle Exarchopoulos est seule dans sa salle de classe, comme un écho lointain de son personnage d'institutrice dans La vie d'Adèle.

Un métier sérieux est un film sensible, démonstratif et peu incarné, qui séduira probablement ceux et celles qui ont aimé Hippocrate et Première année.

Thomas Lilti sur Christoblog : Hippocrate - 2014 (**) / Première année - 2018 (**)

 

2e

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Le retour

Ce nouveau film de Catherine Corsini a dans un premier temps été marqué par une polémique qui a fait pschitt (une scène à connotation sexuelle - qui d'ailleurs ne figure pas dans le montage final - aurait été tournée avec une actrice mineure).

Le film est donc arrivé à Cannes 2023 avec une odeur de soufre, qui finalement s'avère totalement infondée, tant le film est relativement plat et inodore.

Le souci principal est que Corsini cherche ici à embrasser bien trop de sujets différents : chronique estivale, récit d'apprentissage, portrait de mère, réflexions sur le racisme et sur la Corse, drame familial, ascension sociale et transfuge de classe. Dans chacune de ces catégories, la réalisatrice ne parvient pas à réellement convaincre, même si au final le film n'est pas honteux, plus proche d'un film de télévision pour France 2 que d'un film de cinéma.

La satisfaction que procure Le retour réside principalement dans la prestation d'un casting convaincant, Aïssatou Diallo Sagna (qu'on avait découvert dans La fracture) en tête. La jeune Esther Gohorou, qui joue une adolescente électrique, indisciplinée, et lesbienne, est formidable.

Je n'ai pu m'empêcher de penser pendant le film à Un petit frère, beaucoup plus réussi, et qui possède beaucoup de points communs avec Le retour : une mère noire, élevant seule ses deux enfants, se débattant avec les difficultés du quotidien, et les problèmes sentimentaux.

Catherine Corsini sur Christoblog : Trois mondes - 2012 (**) / La belle saison - 2015 (***) / Un amour impossible - 2018 (****) / La fracture - 2021 (**)

 

2e

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Barbie

Barbie est un film savonnette. Jusqu'à la grande tirade centrale qui éclaircit le propos du film, on ne sait pas trop ce qu'on est en train de regarder tant les situations peuvent être lues de manière différente.

Les stéréotypes sexistes et féministes sont en effet exposés de multiples façons, qui ne permettent pas de déterminer nettement la part de moquerie, de burlesque et de militantisme que contient chaque scène.

En ce sens, Barbie m'a rappelé le cinéma des Monty Python : des scènes plus ou moins réalistes découlant de situations initiales complètement absurdes, un travail de déconstruction du langage sensible dans chaque dialogue, de la drôlerie parfois teintée d'un surréalisme extrême, le tout entraînant au final un sentiment de sidération inquiète chez le spectateur.

Le film est donc passionnant à regarder et suscite de nombreuses réflexions. La direction artistique est exceptionnelle et l'interprétation de Ryan Gosling mémorable. Margot Robbie assure le job avec un aplomb étonnant.

L'univers que propose le film, dans ses allers-retours entre le monde de plastique rose de Barbie et la réalité, est tellement riche qu'on peut s'attendre au développement d'une franchise juteuse pour Mattel, qui accepte d'ailleurs d'être copieusement ridiculisé dans sa propre production : l'un des nombreux et réjouissant paradoxe de Barbie.

Greta Gerwig sur Christoblog : Lady Bird - 2017 (***) / Les filles du Docteur March - 2019 (***)

 

3e

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Les repentis

Iciar Bollain traite ici d'un sujet assez proche de celui du film Je verrai toujours vos visages, sur un mode encore plus casse-gueule puisqu'il s'agit d'une veuve qui rencontre le véritable assassin de son mari.

Il est amusant de constater que les deux films présentent des qualités semblables : une sécheresse dans la construction et le montage, une capacité à éviter les écueils d'un sentimentalisme trop lacrymal. 

Les repentis est dans cette optique encore plus dépouillé et plus âpre que le film français : on est ici dans l'exposé froid et absolument pas psychologisant d'un rapprochement entre deux êtres que tout devrait opposer. C'est vertigineux et souvent extrêmement beau. Les sentiments que le film génère sont très nombreux : incompréhension, curiosité, étonnement, émotion, peur, révolte.

Un film d'une grande beauté, sec et musculeux, servi par un couple Tosar / Portillo de très haut niveau.

Iciar Bollain sur Christoblog : Katmandu, un miroir dans le ciel - 2011 (**)

 

3e

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Banel et Adama

Quelle déception ! Lors du dernier festival de Cannes, le premier film de Ramata-Toulaye Sy promettait du lourd : un premier film africain d'une jeune réalisatrice franco-sénégalaise, s'éloignant des clichés naturalistes sur l'Afrique sub-saharienne. On allait voir ce qu'on allait voir.

Malheureusement, si le film s'éloigne effectivement de tout naturalisme, c'est pour mieux re-créer toute une série de clichés sur l'Afrique, sur un mode poético-mystique qui ne convainc pas.

De cette histoire d'amour efflanquée et bancale, mâtinée de fantastique, il ne me reste pratiquement aucun souvenir, si ce n'est quelques belles images baignées d'une lumière très "National Geographic" et le souvenir confus de personnages antipathiques ou vaporeux, évoluant dans un réseau de thématiques très politiquement correctes (émancipation féminine, réchauffement climatique...).

Banel et Adama est un essai épuré qui relève de la fable, et qui aurait probablement pu faire l'objet d'un moyen-métrage stylisé. Il peine à remplir toute la durée d'un long-métrage, par manque de densité narrative et de profondeur psychologique. 

Deux points positifs sauvent le film : la beauté parfois sidérante de certaines images, et l'originalité du regard. 

 

2e

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Ama Gloria

Ama Gloria est un film d'une fragilité extrême qui ne repose pratiquement que sur la performance de la jeune actrice (Louise Mauroy-Panzani) et de sa nounou (Ilya Moreno Zego) .

La caméra de la réalisatrice est toujours très proche des visages, à tel point que cela peut devenir parfois un peu oppressant. L'intérêt de ce qui est raconté réside en réalité dans la spontanéité et la fraîcheur des sentiments que les personnages expriment : le visage de la petite fille est comme un paysage dont le film serait l'écrin. Cette façon de se mettre à "hauteur d'enfant" fait irrésistiblement penser au Tomboy de Céline Sciamma.

Peu d'enjeux narratifs donc, et des qualités de délicatesse et de captation des sentiments qui ne sont pas ostentatoires, et rapproche le film du monde documentaire.

Un des intérêts du film est de nous entraîner dans les îles du Cap Vert, contrée peu visitée par le cinéma.

Marie Amachoukeli sur Christoblog : Party girl - 2013 (***)

 

2e

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Sick of myself

Kristoffer Borgli signe ici un film dérangeant et très original.

Sick of myself commence comme une comédie à la mode scandinave : une jeune femme, unie à un artiste ayant le vent en poupe, souffre d'un manque de reconnaissance.

Les blessures d'égo et les humiliations répétées donnent lieu à de petites scènes délicieusement méchantes. Lorsque l'héroïne Signe décide d'attirer sur elle l'attention par le biais d'une grave maladie dont les symptômes sont obtenus à l'aide d'un médicament russe, les choses se compliquent. 

Le film dérive alors vers quelque chose de plus poignant, une sorte de body horror existentiel qui fonctionne comme une spirale infernale.

Ce sont donc les changements de ton qui font tout le sel de ce premier film norvégien : tour à tour grinçant, amusant, cruel, il dissèque merveilleusement plusieurs aspects de notre société contemporaine. On ne peut s'empêcher de penser au cinéma d'Ostlund, en moins exubérant.

Un réalisateur à suivre.

 

3e

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Rendez-vous à Tokyo

Rendez-vous à Tokyo utilise le procédé du film "à rebours", c'est à dire que plus le film avance, plus on recule dans le passé par le biais de flash-backs successifs.

Le procédé n'est pas utilisé ici dans un but de construction intellectuelle visant à faire comprendre progressivement ce qu'on a vu auparavant (comme dans l'excellent Peppermint Candy), mais plutôt comme une façon de donner à sentir la construction et la dilution du sentiment amoureux.

En cela, le film le Daigo Matsui est assez réussi. Si on peine dans un premier temps à entrer dans le concept du film, il faut avouer qu'on finit progressivement par se laisser gagner par une sorte de sourde nostalgie, balloté par un air du temps qui possède un charme indiscutable. On suit les évolutions de la relation entre Yo et Teruo avec un intérêt croissant.

Tout n'est pas parfait (le personnage sur le banc n'apporte pas grand-chose par exemple), mais la délicatesse du film, associée au tableau sensible de la métropole tokyoïte, finissent par emporter l'adhésion. Un nouveau réalisateur japonais à suivre.

 

2e

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Les filles d'Olfa

Formidable film que cet essai multiforme dans lequel deux actrices prennent la place de deux soeurs parties rejoindre le djihad.

La mère et les deux autres soeurs jouent leur propre rôle, se livrent face caméra, rejouent des scènes passées, sont filmées dans leur vie quotidienne ou dans des lieux emblématiques de leur passé. Le tout est très maîtrisé et ce qui aurait pu apparaître comme un collage informe finit par donner vie au drame qu'a vécu cette famille, sous une forme résolument inédite.

On est saisi par les vérités brutes que le film parvient à exprimer : l'embrigadement est en grande partie la faute des parents (les problèmes du père, la violence de la mère), mais les circonstances (la pauvreté) et le hasard (le prédicateur et le vagin qui prend feu) jouent aussi un rôle. 

Le procédé est tellement puissant que l'inconfort n'est souvent pas loin. On est parfois gêné des minauderies de comédiennes en herbe des soeurs non actrices alors que le drame est toujours là, ou dubitatif devant certaines scènes lors desquelles le linge sale de la famille semble se laver devant nous.

Les filles d'Olfa est à la fois une psychanalyse de groupe, un "méta-film" d'un genre nouveau, un digest sur la société tunisienne, une réflexion sur la transmission et le destin, et un documentaire en prise directe avec la réalité. Un film inclassable et brillant.

 

4e

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