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Christoblog

Les rencontres d'après-minuit

http://fr.web.img5.acsta.net/r_640_600/b_1_d6d6d6/pictures/210/014/21001475_20130425104314435.jpgDifficile de parler de ce film dont les différents pitchs possibles ne rendront dans tous les cas que très partiellement compte de son contenu.

Par exemple :

- Au cœur de la nuit, un jeune couple et leur gouvernante travestie préparent une orgie. Sont attendus La Chienne, La Star, L’Etalon et L’Adolescent (Allociné)

- Béatrice Dalle sadise un Eric Cantona au sexe surdimensionné dans une cage irréelle 

- Un film que la fierté de son verbe comme de sa mise en scène propulse comme en véritable manifeste d'"expressionisme pop" (Cahiers du cinéma)

- Un mélange formel d'Art Déco, d'années 80 et de design rétro-futuriste dans lequel de nouvelles Shéhérazades racontent l'histoire de leurs traumas

- Yann Gonzalez impose une voie singulière, celle d'une artificialité assumée d'où nait une émotion terrassante (Le Monde)

- Imaginez Eric Rohmer qui aurait écrit " La Partouze à sept n'aura pas lieu"

Certains seront forcément déboussolés par cet objet sorti de nulle part et y retournant, comme si Le Manuscrit trouvé à Saragosse avait croisé par hasard le marquis de Sade, d'autres (c'est mon cas) se laisseront charmer, emportés (en tout cas par moment) par l'inventivité forcenée de la démarche : on n'a réellement JAMAIS rien vu de pareil, et cela devient de plus en plus rare.

Il n'y a pas tant de films que ça pour lesquels la meilleure critique paraisse être au final : allez-y voir par vous-même.

 

3e

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La Vénus à la fourrure

http://fr.web.img6.acsta.net/r_640_600/b_1_d6d6d6/pictures/210/442/21044235_20130926103625588.jpgLors du dernier festival de Cannes, la dernière journée était consacrée à la projection de deux films agréables, dernières productions de réalisateurs confirmés : La Vénus à la fourrure de Polanski et le très beau Only lovers left alive de Jim Jarmush. Alors que beaucoup de festivaliers étaient déjà partis, c'était amusant - et touchant - de voir que les grands réalisateurs restent capables de grandes choses.

La Vénus à la fourrure se situe exactement dans la suite de Carnage. Il s'agit toujours peu ou prou de théâtre filmé, ici dans une version encore plus minimaliste que dans le film précédent : deux acteurs seulement, Emmanuelle Seigner, compagne du cinéaste - qui trouve ici son meilleur rôle, et l'inénarrable Mathieu Amalric.

Ce dernier joue un metteur en scène un peu imbu de lui-même, qui reçoit une dernière candidate un jour d'audition. Vanda, qui arrive en retard, s'évère être d'une vulgarité (et d'une bêtise ?) extrême ... jusqu'à ce qu'elle joue sur scène.

S'en suit un jeu de chat et de souris dans lequel on peut suivant les goûts discerner une image des conflits féminin/masculin, acteur/metteur en scène, homme/dieux, etc... Une multiplicité d'interprétation possible donc, servie par une interprétation hors norme d'un acteur et d'une actrice au sommet de leur forme.

Le film se croque comme une friandise admirablement dialoguée, dont on ne sait jamais exactement vers quoi elle va nous entraîner, ce qui en constitue le sel, évidemment.

A voir, ne serait-ce que pour la métamorphose progressive et époustouflante d'Emmanuelle Seigner.

Polanski sur Christoblog : Carnage / The ghost writer

 

3e

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Salvo

http://fr.web.img4.acsta.net/r_640_600/b_1_d6d6d6/pictures/210/014/21001460_20130425103648833.jpgSalué par le Grand Prix de la Semaine de la Critique à Cannes 2013, Salvo s'avère être le parfait film d'auteur qui se la pète.

On a en effet droit à tous les tics qu'on peut reprocher à un certain cinéma qui se regarde le nombril, l'anus, filmer : fausse bonne idée de départ (un tueur de la mafia doit accomplir un meurtre en présence d'une aveugle), refus obstiné de donner le moindre rythme au film, absence quasi total de dialogue, composition savante et picturale de la plupart des plans.

Tout cela forme plus une installation qu'un film, et c'est un doux pléonasme de dire qu'on s'y ennuie fermement, jusqu'à un final attendu et alambiqué, comme si Sergio Leone avait croisé Godard.

La lenteur des scènes est exaspérante, le mutisme du personnage principal horripilant, la bande-son semble avoir été conçue pour une séance de torture à Guantanamo.

 

1e

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Les garçons et Guillaume, à table !

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/pictures/210/538/21053877_20131030102746615.jpgJe parierais volontiers, au vu de l'hilarité générale qui saisit la salle lors de mon séjour cannois, que le film de Guillaume Gallienne obtienne un score au box office qui le situe entre Camille redouble (838 000 entrées) et Intouchables (19 214 100 entrées).

La salle de la Licorne, à Cannes La Bocca, pleine à craquer, se bidonnait à s'en faire péter la panse, à un point qui dépassait ce que j'ai jamais connu dans une salle de cinéma : parfois, je n'arrivais plus à entendre les dialogues tellement mes voisins de siège rigolaient.

C'est peu de dire que cette comédie qu'on a du mal à qualifier (classico border-line, comédie de moeurs futuro trans-genre) parvient à soulever les publics : il n'y a qu'à voir le triomphe que le film emporta à Angoulême après la transe cannoise, Valois d'or et Valois du public, allez zou !

Il n'est guère possible de résister à l'ouragan comique que Guillaume Gallienne déclenche, tellement celui-ci est précis dans sa mécanique (on pense à la méticulosité d'un Jerry Lewis) et pertinent dans son propos, pour peu qu'on considère que le film est un film sur les idées reçues et non un catalogue d'idées reçues. Erreur que certains critiques imperméables au troisième degré commettrons, je le suppute.

Outre le rythme affolant du film, on notera la performance inoubliable de Gallienne qui joue, en plus de son propre personnage, sa mère.

Un coming out inattendu et émouvant, un moment de rire absolu.

 

4e

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Haewon et les hommes

La petite musique de Hong Sang-Soo fonctionne plus ou moins bien, suivant le substrat sur lequel le prolifique cinaste coréen la déploie.

Ici, rien ne permet au sujet de pleinement se développer, ni la perfection cotonneuse de l'image comme dans The day he arrives, ni le brio scénaristique comme dans Another country ou HA HA HA.

Hong Sang-Soo récite donc ici son cinéma, toujours sur les mêmes bases, à savoir des dialogues rohmérien, des hommes assez faibles et des femmes plutôt fortes, des gimmicks bien connus (un réalisateur comme personnage, beaucoup d'alcool et de scènes de café, des personnages ou des objets récurrents).

Apparaissent toutefois ça et là quelques séquences pépites lors desquelles le génie badin et profond du cinéaste affleure : la rencontre de l'héroïne et de Jane Birkin, l'appel du taxi par simple effort de la pensée, les promenades hivernales au fort. Une oeuvre mineure de Hong Sang-Soo, portrait rêveur (rêvé ?) et amoureux d'une jeune femme ne sachant pas aimer.

 

2e

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La vie d'Adèle : l'avis des blogueurs

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L'extravagant voyage du jeune et prodigieux TS Spivet

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/pictures/210/171/21017103_20130702155509888.jpgC'est plutôt à reculons que j'emmenai hier ma fille et deux de ses copines pour voir la dernière production du créateur de Delicatessen et d'Amélie Poulain. Ses derniers errements (Micmacs à tire-larigot) semblaient en effet indiquer que ce dernier était sur une mauvaise pente : celle d'un formalisme outrancier, faisant fi des enjeux narratifs.

Eh bien, on n'est jamais à l'abri d'une bonne surprise ! TS Spivet s'avère être un divertissement de haut niveau, émouvant et très réussi dans sa forme.

L'ingéniosité de Jeunet, sa capacité a bricoler des effets spéciaux de tout type, s'accordent ici parfaitement à l'esprit de l'histoire, et à l'aspect Geo Trouvetout de son jeune personnage.

D'un point de vue visuel, le film est une splendeur : les grands espaces américains sont superbement filmés, la mise en scène est élégante et précise. On se laisse littéralement charmer par chaque membre de cette famille atypique, avec une mention spéciale à Helena Bonham Carter, absolument craquante en maman obsédée par sa collection d'insecte.

La mort accidentelle du frère est traitée avec beaucoup de tact et donne lieu à des scènes assez simples, mais très touchantes.

Il se dégage du film une magie légère et très légèrement excentrique, comme un parfum de jeunesse envolée. Une franche réussite.

 

3e

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Snowpiercer, le transperceneige

http://fr.web.img1.acsta.net/r_640_600/b_1_d6d6d6/pictures/210/360/21036090_20130904151243628.jpgAutant le dire tout de suite, j'ai été très déçu par le passage à la production internationale de mon réalisateur coréen fétiche, Bong Joon Ho.

Même si fugitivement affleurent dans le film ses anciennes qualités (second degré, attention aux visages, sens inné de la mise en scène), la vérité est que ce sont surtout les défauts du film dont on se souvient. A savoir : un casting fadasse et hétéroclite, des clichés vus et revus mille fois (pauvres/gentils contre riches/méchants), des rebondissements invraisemblables, des décors moches et terriblement factices, des combats filmés caméra à l'épaule dans la plus grande confusion.

Si le film commence honorablement, il devient de plus en plus artificiel, pour finir en queue de poisson désastreuse. Attention, spoiler à suivre. Rien à sauver dans les dix dernières minutes : la machine en tête de train ne ressemble à rien, l'enfant qui entre dedans ne correspond à aucun enchaînement narratif, le dernier plan sur l'ours polaire est d'une naïveté confondante (et en plus n'a rien à voir avec l'histoire).

A aucun moment Bong Jooh Ho ne parvient à créer une atmosphère réaliste au sein de son film, comme il l'avait superbement réussi dans The host. On ne rentre jamais dans cette histoire, en particulier parce que les acteurs ont le charisme d'une huitre (le taiseux Chris Evans), ou en fond au contraire des tonnes (Tilda Swinton et son dentier).

Après cet agglomérat kitsch de clichés SF, j'espère que Bong Joon Ho retrouvera son talent.

 

1e

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Un château en Italie

http://fr.web.img1.acsta.net/r_640_600/b_1_d6d6d6/pictures/210/060/21006045_2013051513001218.jpgQuel intérêt à aller voir Un château en Italie si on n'est pas de la famille Bruni-Tedeschi ?

A priori, peu. Et a posteriori, pareil.

Organisé autour d'un découpage en saison (c'était la mode à Cannes cette année, cf le Ozon), Un château en Italie est le prototype du film bobo qui se regarde le nombril. Pas désagréable par ailleurs, mais dont la part autobiographique ne doit intéresser que la réalisatrice et ses proches.

Il est d'ailleurs curieux de constater que le personnage du frère, qui devrait être très émouvant, ne parvient jamais à l'être vraiment.

Garrel est insupportable, on a réellement envie de lui coller deux baffes (encore plus que d'habitude, je veux dire) et l'amour avec Louise sonne résolument faux. Beaucoup de scènes paraissent bancales, et beaucoup d'autres font franchement cul-cul : ces arbres qu'on abat, par exemple !

Bref, le film est faiblard et c'est peut-être Xavier Beauvois qui le sauve du naufrage. Il est un peu mystérieux que le film ait pu être en sélection officielle à Cannes.

 

2e

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Inside Llewyn Davis

http://images.allocine.fr/r_640_600/b_1_d6d6d6/pictures/210/028/21002833_20130806152535108.jpgAvec son titre un peu imprononçable et légèrement abscons (en quoi est-on à l'intérieur de Llewyn Davis ?), le dernier film des Coen partait avec un léger handicap dans mon esprit.

Si vous êtes des lecteurs assidus de mon blog, vous savez que je ne suis pas spécialement fan du cinéma des brothers, que je juge souvent un peu compassé, et même parfois pontifant.

C'est finalement lorsqu'ils parviennent à être légers que je les trouve meilleurs, et c'est le cas ici, puisque leur dernière production est un film tourné résolument en mode mineur.

Llewyn Davis est un loser. On suit donc avec une sorte de détachement amusé ses vaines pérégrinations (de toute façon, il n'y arrivera pas). L'intérêt du film vient de ses réparties douces-amères, d'un comique de situtation très efficace (le chat : un running gag qui tombe presque dans la facilité), et de seconds rôles parfaits (une Carey Mulligan irrésistiblement grise).

La mise en scène est classique (académique ?), les décors impressionnants (trop composés ?). Tout cela se suit du coin de l'oeil avec un certain plaisir, si on aime le folk. Le film ne sert pas à grand-chose, on ne sait pas trop si on en s'en souviendra dans deux ans.

La question est : peut-on faire un film sur un raté avec un style qui l'est aussi peu (raté) ?

Les frères Coen sur Christoblog : True grit / No country for old men / Burn after reading / A serious man

 

2e

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Blood ties

On va me dire que je tire sur une ambulance, au vu des critiques désastreuses qui saluent le dernier poncif filmé de l'inénarrable Guillaume Canet, mais quand une ambulance a coûté aussi cher, c'est un plaisir de sortir le super bazooka M20, qui tire des obus de 4 kg.

Canet utilise les talents de James Gray (comme scénariste), de Matthias Schoenaerts, Mila Kunis, Clive Owen et James Caan (comme acteurs), de Marion Cotillard (comme femme et potiche), pour tourner le remake d'un film de Jacques Maillot dont tout le monde se fout (sauf sa seigneurie Canet lui-même, car il y a fait l'acteur) : Les liens du sang.

L'envie de hurler "Arrêtez le massacre" ne m'a pas quitté une seule minute tant tout est récité, balourd, factice et pauvre en imagination comme en réalisation. Je repense par exemple à ces gunfights qui semblent tournés avec des pistolets à eau, ou à ce montage à l'emporte-pièce. Le film n'est qu'une longue accumulation de clichés : par exemple, quand un personnage va faire quelque chose de difficile, il allume une cigarette.

C'est comme ça que Canet envisage le cinéma des années 70 et veut lui rendre hommage : à grand coup de nostalgie amidonnée et de grues planant au-dessus de voitures vintage.

Tout est mauvais dans Blood ties, rien n'accroche, on ne croit à rien, les méchants ne le sont pas assez et les gentils le sont trop : c'est de la guimauve à 25 millions de dollars qui ne sert qu'à combler les penchants onanistes de Canet.

A fuir, et vite.

 

1e

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Prince of Texas

http://fr.web.img6.acsta.net/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/96/26/64/20456547.jpg Ours d'argent du meilleur réalisateur au dernier festival de Berlin, Prince of Texas est la dernière production du réalisateur US David Gordon Green, qu'on associe souvent à une école de comédie américaine déjantée dont le barycentre serait Judd Apatow. Autant le dire d'entrée, je suis resté totalement imperméable au sujet : deux paumés qui tracent des lignes et plantent des poteaux le long d'une route paumée au fin fond du Texas. Le décor est celui d'une forêt calcinée, conséquence des incendies gigantesques qui touchèrent cette partie des USA.

Le film oscille entre plusieurs genres sans parvenir à en choisir un seul : c'est d'ailleurs peut-être là que certains y trouveront un charme. On y parle de sexe très crument, les femmes étant souvent réduites à une fonctionnalité d'orifice à combler, on y pète et on s'y branle : de ce côté, le cinéma d'Apatow n'est pas loin, avec sa finesse inégalée.

On croise des personnages complètement barrés au milieu de ce middle of nowhere, comme un chauffeur de camion passablement madré et alcoolisé, ou une vieille femme mutique dont la maison a brûlé, on pense alors à des collages suréalistes ou au cinéma de Gondry.

Cette impression est renforcée par les dialogues parfois complètement loufoques. Dans un de ces moments les moins réussis, on se croit dans un teenage movie recyclé, les deux loosers se prenant une biture carabinée et traçant des sinsoïdes sur la route au lieu de la belle ligne centrale. C'est donc pour résumer assez bavard, guère palpitant bien que correctement réalisé, et franchement évitable. Le type de film dont le pitch intiguant est finalement le point le plus réussi.

 

1e

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4 choses que vous n'avez pas (ou peu) lues à propos de La vie d'Adèle

http://fr.web.img6.acsta.net/r_640_600/b_1_d6d6d6/pictures/210/456/21045687_20131001154044741.jpgAdèle n'est pas lesbienne

 

Contrairement à ce que vous lisez partout, ou presque, le personnage d'Adèle n'est pas celui d'une lesbienne.

Dans le film, elle fait l'amour au début avec un garçon, puis trompe plusieurs fois Emma avec un autre. Dans la scène du café, elle avoue avoir eu quelques aventures, sans importance, sans que l'on sache le sexe des partenaires, mais on peut comprendre qu'il s'agit de garçons.

Donc, c'est clair, Adèle n'est pas lesbienne, elle est ... bisexuelle (sur l'échelle de Kinsey, elle se situerait à 4 ou 3).

 

Des scènes de sexe... sans sexe

 

A propos des fameuses scènes de sexe, peu de personnes font remarquer un élément essentiel qui différencie le film de Kechiche d'un porno : on ne voit à aucun moment lors des ébats... un sexe féminin !

La seule fois dans le film où on peut contempler l'Origine du monde, c'est justement quand Adèle fait le modèle pour Emma peintre. Ce qui n'empêche pas des journalistes peu scrupuleux (et même un peu ridicule), d'écrire des absurdités du genre : "Dans La Vie d'Adèle, on voit des sexes féminins en gros plan, rasés intégralement, ce qui implique que le clitoris des personnages surgisse à plusieurs reprises". Ouarf, ouarf.

Les scènes de sexe sont donc anti-réalistes au possible, d'ailleurs l'éclairage est complètement différent lors de ces scènes, qui sont éclairées de façon totalement artificielle. Les deux actrices miment la jouissance, dans une théâtralité qui peut déranger, mais qui est plus proche du théâtre japonais que du film porno. Pierre Olivier Persin, qui s'est occupé des effets spéciaux sur le film, explique dans plusieurs articles comment il a conçu des prothèses pour que les actrices se sentent le plus à l'aise possible (par exemple ici

 

Une musique et des sons subtilement extra-diégétiques

 

Il n'y a pas de musique extra-diégétique (entendez : qui ne fasse pas partie de l'action montrée) dans La vie d'Adèle. Enfin, presque. Parce que, à y entendre de plus près, c'est moins évident que cela.

Prenons la fameuse scène d'anniversaire, et sa chanson désormais célèbre I follow rivers de la chanteuse suédoise Lykke Li. Au début, la chanson est effectivement écoutée par les personnages, mais progressivement les bruits de fond s'effacent et le volume de la chanson augmente, de telle façon que notre empathie avec l'état mental intérieur d'Adèle s'amplifie. La musique devient extra-diégétique.

Même procédé pour le joueur de hang que Adèle voit à Lille juste avant de croiser Emma pour la première fois. On entend le son de l'instrument, et celui-ci reste de plus en plus présent, défiant ainsi les lois de la nature et de la physique acoustique, jusqu'à ce que Adèle échange le fameux regard avec Emma : là encore, Kechiche transforme la musique incorporée à l'action en bande-son.

Dernier exemple : le son lors des scènes de sexe est hyper amplifié, on entend le bruit des caresses d'une façon totalement disproportionnée. C'est très net si on y prête attention (ce qui est difficile lors d'une première vision !)

 

Un second degré permament

 

Peu de critiques l'ont signalé, mais la dernière tirade du film, placée dans la bouche de Salim Kechiouche, qui joue un acteur recyclé dans l'immobilier est ahurissante de prescience : le personnage avoue (je cite de mémoire) qu'il vaut mieux être hypocrite dans le milieu de l'immobilier que dans celui du cinéma (coucou Léa), et qu'il en a marre d'être harcelé par les réalisateurs tyranniques (quel sens de l'auto-dérision !).

D'ailleurs, si on y fait bien attention, le film est constamment parcouru d'incises humoristiques (les grimaces des élèves pendant les cours, la sentence de la mère d'Adèle : "Les seuls peintres qui gagnent leur vie sont ceux qui sont morts") et surtout innervé par le second degré inhérent à la nature d'Adèle, qui en fait un personnage d'exception.

Quelle extraordinaire distance faut-il avoir pour proposer à Emma de la payer "en nature" lors de la scène du café, tout en corrigeant immédiatement la concupiscente proposition d'un "Je plaisante" qui laisse sur le visage de Léa Seydoux une ombre d'incrédulité stupéfaite ?!

Auparavant, Adèle aura bien pris soin de constamment désamorcer les situations triviales (les huitres et le sexe féminin, Bob Marley vs Sartre) d'une phrase signifiant qu'elle n'était pas dupe.

 

J'ai d'autres points de vue iconoclastes sur le film de Kechiche... que je garde pour commenter la parution du DVD !

 

4e

A voir aussi : La vie d'AdèleLa BD à l'origine du film : Le bleu est une couleur chaude / L'avis des blogueurs sur La vie d'Adèle / Le jour où j'ai vu La vie d'Adèle pour la deuxième fois

 

 

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Gravity

http://fr.web.img4.acsta.net/r_640_600/b_1_d6d6d6/pictures/210/390/21039085_20130912131330021.jpgLe début de Gravity est assez plaisant. On prend un réel plaisir à observer le spectacle de la Terre, le ballet gracieux des spationautes, le mélange de rigueur professionnelle et de déconne qui caractérise ce genre de mission (on se souvient dans la réalité de cet astronaute canadien qui a enregistré une chanson de Bowie dans l'espace - il est toutefois moins canon que Clooney).

La mise en scène de Cuaron est dans les 30 premières minutes assez bluffante, je pense par exemple à ce plan incroyable dans lequel la caméra semble entrer dans le casque de Ryan, puis en ressortir.

Las ! A partir du moment ou Ryan se retrouve seule, le film devient un banal film d'action amerloque : je saute de station en station avec à chaque fois le même mode opératoire et les mêmes enjeux. Heureusement que les Thaïlandais et les Uruguayens n'ont pas d'activités spatiales, sinon le film durait 1 heure de plus, à jouer à saute-station.

Explosions, suspense improbable, musique grandiloquente, réapparition ridicule de Clooney (un spectateur a crié avec raison "What Else" lorsque Georges revient), grand spectacle pyrotechnique, mysticisme à deux balles : le film devient à ce moment-là ce qu'il ne devrait pas être, un blockbuster hollywoodien pas si différent des autres.

Le récit de survie est un genre assez aride. Le nouveau film de JC Chandor, All is lost, que j'ai vu à Cannes, est finalement une sorte de décalque de Gravity sur un voilier. C'est moins fun, mais approximativement aussi peu excitant.

Rien de révolutionnaire dans ce Gravity somme toute banal.

 

2e

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Prisoners

Pendant les 2h33 que dure le nouveau film de Denis Villeneuve, je n'ai pas beaucoup arrêté de penser au sublime film de David Fincher, Zodiac. Les rapprochements potentiels sont en effet nombreux : meurtrier insaisissable, ambiance grise, policier laborieux et solitaire joué dans les deux films par Jake Gyllenhaal, fausses pistes...

Disons-le, la comparaison s'avère défavorable à Prisoners sur tous les plans. La mise en scène de Fincher est plus ample, plus fluide, moins tape-à-l'oeil que celle de Villeneuve. Le scénario est aussi infiniment plus ambitieux dans Zodiac, donnant à sentir le temps qui passe, sans céder à la faiblesse de donner au film un (relatif) happy end.

Cette comparaison étant faite, Prisoners n'est pas désagréable à regarder, bénéficiant d'une superbe photo grisâtre (il ne fait JAMAIS beau dans le film), et ménageant doucement un suspense bien pépère. 

Denis Villeneuve fait moins d'erreurs de goût que dans son précédent film, Incendies, mais sa mise en scène reste toutefois marquée par des tics un peu faciles (le sifflet, les voitures qui arrivent et repartent). C'est le jeu des acteurs qui rend le film au final plutôt agréable : le casting est homogène et convaincant.

A voir si vous avez le temps.

 

2e

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Festival de La Roche sur Yon 2013

Cette année, ma participation au Festival International du Film de La Roche sur Yon se résume à la journée du samedi 19 octobre. Une seule journée, mais bien remplie.

A 14 h, je commence par le premier long métrage de Kelly Reichardt, Old joy. Je reviendrai sur le film dans une ciritque spécifique, mais il m'a globalement ennuyé, bien qu'il présente des aspects intéressants (dont la prestation en tant qu'acteur de Will Oldham, alias Bonnie Prince Billy).

Comme souvent, c'est l'échange qui suivit avec la réalisatrice qui fût particulièrement instructif, avec beaucoup de questions pertinentes dans la salle, et pas mal d'éléments apportés par Kelly Reichardt. On apprendra ainsi (et en vrac), qu'elle a été élévée par son père, photographe de scène de crime, ce qui lui donna le goût pour un certain type de photo (brrrr...). Par la suite, son père divorcé a vécu avec 4 autres photographes exerçant le même métier que lui (?!), ce qui donna à Kelly l'idée d'un scénario qu'elle essaya de monter pendant des années, sans y parvenir. Entre ces premiers moyens-métrages (River of grass, Ode) présentés d'ailleurs à La Roche pour la première fois en France, et son premier long (Old Joy), il s'est donc écoulé une dizaine d'année de galère entre Los Angeles et New York, durant lesquelles elle a dû squatté les appartements de ses connaissances et survivre comme elle pouvait, ses copains cinéastes obtenant quelques subsides en tournant des films porno, ce qu'elle ne fît pas.

Beaucoup d'opiniatreté donc dans un destin de cinéaste (on le savait, mais chaque témoignage est saisissant), avant que plusieurs concours de circonstance ne déclenchent une carrière : des cours de fac sur le cinéma, une rencontre fortuite mais décisive avec Todd Haynes, l'actrice Michelle Williams qui remarque Old joy et participe aux projets suivants de la réalisatrice (Wendy et lucy, La dernière piste), jusqu'à une certaine forme de consécration avec Night moves qui fut présenté à Venise en compétition et reçut le Grand Prix à Deauville cette année.

Jean, pull gris, coiffure nature, parole humble mais ferme, Kelly Reichardt dégage quelque chose d'affirmé et de http://fr.web.img6.acsta.net/r_640_600/b_1_d6d6d6/pictures/210/225/21022576_20130725115048838.jpgconvaincant. Une réalisatrice, une vraie.

Dans la foulée, j'enchaîne avec un film portugais, Après la nuit, film de genre tourné dans un quartier mal famé de Lisbonne, celui de l'immigration Cap Verdienne, et qui me plaît bien. J'apprécie surtout la qualité de la mise en scène, renversante pour un premier essai, et de la photographie, superbe. Le réalisateur, Basil Da Cunha, présente en deux mots son film dans un français impeccable (il vit en Suisse). Le soir il sera assis dans le siège devant le mien pour la projection de L'étrange... : magie d'un petit festival comme celui de La Roche. Nul doute qu'on entendra reparler de ce réalisateur dont le film était à la Quinzaine des Réalisateurs cette année.

Parenthèse dans les années 90 ensuite avec le Le vent de la nuit de Philippe Garrel, avec Catherine Deneuve, Xavier Beauvois (mis à l'honneur cette année, c'est pourquoi ce film était diffusé) et l'étonnant Daniel Duval. Malgré certains éléments datés, le film est intéressant et vaut surtout pour le jeu de ces trois acteurs principaux.

Enfin, en fin de soirée, la première française de L'étrange couleur des larmes de ton corps de Hélène Cattet et Bruno Forzani, sorte d'hommage de palmien au giallo, qui ne m'enthousiasme pas du tout. Après un démarrage nerveux et intrigant, le film devient vite un gloubi-boulga indigeste, épuisant à l'excès toutes les petites recettes du genre, dans une ambiance qui se voudrait un brin tarantinesque (musique d'Ennio Morricone, montage à la serpe, ralentis).

Dans le rang devant moi, le jury de la compétition au grand complet avec notamment Carlo Chatrian (directeur artistique du Festival de Locarno) et Laetitia Dosch (l'actrice de La bataille de Solférino).

C'est tout pour cette année, retour en voiture sous la pluie à Nantes vers 0h30, à l'année prochaine.

 

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Omar

Le nouveau film du palestinien Hany Abu-Assad (Paradise now) se révèle être construit sur la base de standards hollywoodiens : acteurs et actrices charismatiques, installation rapide d'une intrigue efficace, scènes de poursuites et d'action prenantes, retournements de situation inattendus.

Omar est du coup un film extrêmement plaisant, présentant une suite de dilemmes moraux très intéressants, qui ne sont pas sans rappeler la série Hatufim, ou son remake US Homeland (saison 1).

Le scénario est tellement recherché qu'il m'a semblé parfois même presque difficile à suivre. La fin est renversante.

Les israéliens n'ont évidemment pas le beau rôle, ils sont froidement manipulateurs ou alors sadiques, n'hésitant pas à brûler les testicules de leurs prisonniers (c'était la mode à Cannes cette année : il est aussi question de sexe carbonisé dans Heli, du mexicain Escalante).

Au-delà de l'intrigue passionnante, la vie en Cisjordanie est très bien montrée, avec ses difficultés, ses dédales, et son mur. L'intrication de l'histoire privée (jalousie, etc) et de l'actualité du Proche Orient est très stimulante.

Je conseille donc vivement cet Omar à la Palestinienne.

 

3e

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9 mois ferme

Le burlesque est un exercice difficile dans lequel nous Français avons de la peine à exceller. La réussite magistrale de Dupontel dans son dernier film n'en est que plus remarquable.

Il faut bien le dire, j'ai eu un peu peur au début : mise en scène virtuose (quelle scène de générique, avec un mouvement de caméra ébouriffant !), jeu au cordeau des acteurs, montage speed, le film part sur les chapeaux de roue. Après dix minutes à ce train d'enfer, j'en suis venu à guetter une faiblesse, une faute de goût, un léger dérapage, mais non, Dupontel tiendra ferme la barre jusqu'au bout.

9 mois ferme est donc un moment d'intense jubilation, durant lequel on ne rit pas forcément souvent aux éclats, mais qui donne l'impression d'être tout à coup plus drôle et plus intelligent.

Parmi les points forts du film, citons entre autres les apparitions hilarantes de Jean Dujardin en traducteur de langage des signes, les faux journaux télévisés, les deux scénarios du suicide et de l'accident, tous les seconds rôles (et l'avocat en particulier), et le jeu tout en subtilité de Sandrine Kiberlain, son meilleur rôle à ce jour.

C'est parfait de bout en bout, avec un sens du rythme imparable. Une réussite majeure de la comédie française.

 

4e

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Northwest

http://fr.web.img3.acsta.net/r_640_600/b_1_d6d6d6/pictures/210/222/21022293_20130724130032406.jpgBien sûr, on pourra dire qu'on a vu cent fois cette histoire de jeune d'un milieu défavorisé qui sombre dans la délinquance, passe sous la coupe d'un malfrat plus puissant que lui, puis finit broyé par le Milieu.

Mais ce qui fait l'originalité de ce film danois, c'est l'attention qui est portée au personnage principal, une sorte d'attention douce et nerveuse à la fois, qui n'est pas sans rappeler l'esprit qui parcourait le sublime Oslo, 31 août. La caméra du réalisateur Michael Noer est à la fois subtile et convaincante : on entre immédiatement dans le quotidien de ce jeune cambrioleur charismatique, et l'engrenage qui le conduit dans les embrouilles est superbement disséqué. La belle vie qu'offre les premiers gros coups, apportant la reconnaissance sociale et l'amour dans les yeux de ses proches, semble pleine de douceur et de beauté. Un peu plus, on le féliciterait.

L'autre caractéristique émouvante du film est le portrait de ce frère que le héros protège, puis associe, puis sur lequel il perd progressivement le contrôle. Tout cela est admirablement montré avec une empreinte réaliste rarement vue au cinéma ces derniers temps.

Les scènes d'actions et de poursuites, qui évitent tout sensationnalisme inutile sont tournées avec un brio étonnant.

Une réussite, pour un film glaçant et attachant.

Le Danemark sur Christoblog : HijackingThe killing / Borgen / Royal affair / La chasse / Le guerrier silencieux

 

3e

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La vie domestique

http://fr.web.img5.acsta.net/r_640_600/b_1_d6d6d6/pictures/210/182/21018252_20130708174338228.jpgIl y a quelque chose de profondément réjouissant dans La vie domestique, c'est la noirceur totale du propos, qui décrit exactement des situtations de vie que nous avons tous déjà vécu.

Ainsi, nous voyons sur grand écran des horreurs domestiques que nous avons subies ou proférées : remarques sourdement sexistes, poids lancinant de l'habitude, contrariétés récurrentes du quotidien, écoulement inéxorable du temps, compromissions sociales inavouables...

Si l'on craint parfois que le film ne s'enfonce dans des facilités un peu expéditives manipulant des personnages archétypaux (la scène de début) ou des intrigues secondaires un peu éculées (la petite fille enlevée), force est de constater qu'au final la réalisatrice Isabelle Scajka parvient à dessiner une carte contemporaine des aliénations tout à fait précise et souvent jouissive.

La vie domestique ne ressemble ainsi à rien de connu, sorte de Desesperate housewives banlieusardes sous Lexomyl, cauchemard éveillé dans lequel les pots de confitures tombent des sacs de supermarché, et dans lequel les maris jettent de l'Agnès Obel à la face de leur épouse au petit déjeuner (mais c'est toi la plus belle, maman, heureusement).

Vertige de la quotidienneté cotonneuse et meurtrière, La vie domestique vous cueille au creux de vos plus insignes faiblesses. Une prouesse.

 

3e

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