Annie Colère raconte l'histoire du MLAC (Mouvement pour la Liberté de l'Avortement et de la Contraception) à travers la trajectoire d'Annie, jeune femme ayant d'abord recours à un avortement avant de devenir petit à petit intervenante au sein de ce mouvement.
D'une facture très classique, le nouveau film de Blandine Lenoir vaut surtout par l'interprétation, encore une fois exceptionnelle, de Laure Calamy, qui parvient à jouer une palette d'émotions incroyable tout en imposant une grande présence corporelle à l'écran. Son parcours d'émancipation douce est formidable à suivre.
Le film est à la fois didactique et émouvant : on y apprend des tas de chose sur les techniques d'avortement et le contexte historique qui précéda la loi Veil, tout en étant profondément touché par le combat de ces femmes.
SI le scénario est linéaire et parfois convenu, il a le mérite de mettre en évidence avec beaucoup de finesse la belle sororité qui réunit les femmes faisant partie du MLAC, issues de milieux très différents. Les scènes d'avortement en deviennent belles et émouvantes, sans aucune image choquante. Annie Colère se distingue ainsi très nettement d'autres grands films traitant du sujet (L'évènement ou 4 mois 3 semaines 2 jours).
Retour aujourd'hui sur un film sorti discrètement en 2021, que j'ai découvert lors du dernier Festival Le grand bivouac, à Albertville.
Ce documentaire norvégien suit un luthier italien, Gaspar Borchardt, qui rêve de fabriquer un violon d'aussi bonne qualité que les Stradivarius, et qui pense que pour cela il lui faut le bois d'un arbre très spécifique qui ne pousse que dans les Balkans.
La caméra de Hans Lukas Hansen suit Gaspar avec attention et attendrissement sur une période de six ans. On le suit donc dans son improbable recherche, en particulier lors de différents voyages en Bosnie.
Le contraste entre le caractère lunaire et délicat du luthier opiniâtre et la rudesse de la population locale confère au film une irrésistible drôlerie, mâtinée de mélancolie. Gaspar n'est plus très jeune, et ce défi un peu irréel est peut-être une façon pour lui de tirer un bilan de sa vie.
Parviendra-t-il à trouver l'arbre magique et à offrir le violon de ses rêves à la jolie soliste néerlandaise à qui il l'a promis ? Impossible de vous le dire, tant l'intérêt de ce joli film documentaire à la limite de la fiction réside dans le suspense lancinant qu'il propose.
Réalisation impeccable et image d'une grande qualité pour ce quasi-thriller, d'une grande originalité.
Comme à chaque film de Jafar Panahi, la première chose qui frappe à la vision d'Aucun ours, c'est l'extrême intelligence du cinéaste.
Intelligence dans le procédé mis en place (la réalité vécue par les acteurs d'un film dans le film, en parallèle de ce que vit Panahi lui-même dans un village isolé d'où il dirige le film), intelligence dans les ressorts manipulés pour maintenir notre intérêt (fausses pistes et coups de théâtre) et intelligence enfin dans l'acuité avec laquelle sont montrés les rapports humains.
Si nous sommes habitués à des démonstrations de savoir-faire de la part de Panahi (il y a des plans-séquences d'une formidable virtuosité dans ce film réalisé avec trois sous), on est plutôt surpris ici de voir l'émotion affleurer progressivement, jusqu'à un double final surprenant, pessimiste et bouleversant.
Dans ce film doux amer qui condamne deux aliénations (le pouvoir politique iranien et les traditions villageoises rétrogrades), la placide silhouette du cinéaste maintenant emprisonné est terriblement fragile. Et émouvante.
Bardé de prix (Venise, Jean Vigo) et précédé d'une excellente réputation (il représentera la France aux Oscars), le premier film de fiction d'Alice Diop promettait beaucoup.
C'est peut-être pourquoi, à sa vision, la déception a pris pour moi le pas sur le plaisir.
Certes, Saint Omer présente de nombreux intérêts. Tout d'abord l'affaire Laurence Coly est intrigante et le film de prétoire possède une dynamique propre qui captive aisément. La distribution est aussi intéressante : Guslagie Malanda campe une accusée troublante alors que plusieurs seconds rôles font des prestations remarquables (l'incroyable témoignage de Luc Dumontet joué par Xavier Marly). Les problématiques que soulèvent le film sont aussi intéressantes : le statut d'invisibilité de la femme noire, le rapport aux parents, la maternité.
Pourtant tous ces bons éléments ne parviennent pas à mes yeux à former un tout cohérent. Le scénario (auquel a collaboré Marie NDiaye) est inutilement compliqué. Les problématiques du personnage de Rama semblent bien anecdotiques au regard de l'enjeu du procès, et sa mise en parallèle avec le destin de Laurence Coly m'a parue artificielle. J'ai trouvé la mise en scène parfois maladroite (de nombreux plans de remplissage, un manque de fluidité globale, des flash-backs pas très clairs, une certaine affectation).
Le film m'a semblé à plusieurs occasions froid et légèrement guindé, comme mû par une envie de développer son propos d'une façon plus intellectuelle que sensible.
Autant le cinéma de Christophe Honoré peut parfois m'emporter dans des élans d'enthousiasme difficilement maîtrisables (Les chansons d'amour, Chambre 212, Guermantes) autant il peut me laisser complètement froid, comme c'est le cas ici.
Le sujet du film est Honoré lui-même, puisque le lycéen, c'est lui, transposé de Rennes à Chambéry, de façon à ce que les aspects autobiographiques soient moins pesants. Perte du père dans un accident de voiture et difficile travail de deuil, éveil de la sexualité, problèmes psychologiques et premières expériences parisiennes : c'est bien l'itinéraire du cinéaste qui est ici décrit, dans une sorte de complément à sa pièce de théâtre Le ciel de Nantes.
Pour Honoré cela doit être particulièrement touchant. Pour le spectateur, le spectacle n'est pas très captivant : Juliette Binoche n'est pas convaincante (la scène de l'annonce de l'accident est mal jouée par exemple) et le jeune acteur Paul Kircher ne brille pas par son charisme (il est même énervant par moment, sans que l'on sache si c'est à dessein). Vincent Lacoste quant à lui est très bien, dans un rôle moins sympathique que d'habitude.
Le ton du film, qui hésite entre plusieurs genres (porno soft gay, chronique provinciale, drame familial, récit d'initiation, tableau parisien), ne parvient jamais à être tout à fait juste, et laisse une impression d'inachevé.
Ce joli film ukrainien est sorti confidentiellement en juin de cette année.
Son sujet est original : nous suivons une jeune fille qui veut devenir cinéaste et tourne devant nous son premier film, qui raconte comment sa famille vit la guerre.
The earth is blue as an orange constitue donc une curieuse mise en abyme. On assiste aux préparatifs de tournages de scènes par la famille (installation des éclairages, relecture du scénario, répétitions), scènes qui ont été vécues en vrai par les protagonistes quelques jours auparavant.
Le procédé atténue la dureté de la situation, donne à réfléchir sur la puissance de l'art en général et du cinéma en particulier et finalement nous captive durant les 1h14 que dure le film, offrant quelques plans irréels, comme celui où de vrais soldats ukrainiens sont appelés à jouer dans le film à l'intérieur du film.
Les actrices (la famille ne comprend que des femmes adultes, les hommes ont disparus ou sont à la guerre) sont formidables d'optimisme réjouissant, et plusieurs situations sont profondément émouvantes.
Irina Tsilyk est sans conteste une cinéaste à suivre.
Le thème de ce film n'est pas très original : l'annonce d'une maladie incurable qui touche Hélène (Vicky Krieps) va mettre à mal le couple qu'elle forme avec Mathieu (Gaspard Ulliel).
Sur cette base pas très marrante, Emily Atef réussit un film qui parvient à être souvent lumineux, par la grâce d'une échappée d'Hélène dans les fjords norvégiens, où elle rejoint un vieux monsieur lui-même gravement malade.
Beaucoup de sensibilité dans ce joli film, dont la qualité repose principalement sur la finesse de jeu des deux acteurs/trices principaux qui excellent tous les deux à explorer toute la palette des sentiments et des sensations : colère, amour, sensibilité, vertige métaphysique, jalousie, incompréhension, tristesse ...
La limpidité de la mise en scène et la lumière norvégienne confèrent à Plus que jamais une beauté diaphane qui rend le film diablement attachant. Le fait que la prestation de Gaspard Ulliel soit sa dernière apparition au cinéma ajoute à cette élégie un parfum triste et mélancolique.
On voit rarement un film qui présente autant de qualités.
Du point de vue de la narration, le récit est captivant, parvenant à maintenir en permanence un équilibre parfait entre dynamique de groupe et portraits individuels.
On est en attente perpétuelle de ce qui va se passer dans le plan suivant : quel acteur va performer, quel couple va se former, que va-t-il arriver à tel ou tel personnage, quelle est la nature exacte de la relation entre Stella et Etienne ?
Pour ce qui est du fonctionnement du binôme Patrice Chéreau / Pierre Romans, le film est aussi très intéressant, dessinant un tableau qui évite soigneusement d'être trop respectueux. Louis Garrel campe un Chéreau qui peut être parfois extrêmement violent et humiliant vis à vis de ces élèves, un homme dont on peut contester les méthodes tout en reconnaissant le génie.
Tout cela ferait déjà un excellent film, mais Les amandiers est de plus sublimé par l'acuité du tableau qu'il dresse d'une époque : les années 80. Valeria Bruni-Tedeschi parvient non seulement à restituer à la perfection les menus détails (cabines téléphoniques, musiques, vêtements, l'actualité) mais elle donne aussi à sentir viscéralement l'élan vital caractéristique de cette décennie, (sexe, drogues, risques) qui se heurte de plein fouet au SIDA.
Le casting est épatant, la formidable Nadia Tereszkiewicz (que j'avais découvert dans Seules les bêtes) en tête. Elle irradie le film de son talent et de sa sensualité terrienne, en alter ego de la réalisatrice.
Un film merveilleux, captivant et émouvant, qui m'a rappelé ce qu'il y avait de meilleur chez Cassavetes. Peut-être aussi le plus beau jamais réalisé sur le métier d'acteur.
Mes plus anciens lecteurs savent la force de mon ressentiment envers Albert Serra, depuis une séance calamiteuse du Chant des oiseaux, durant laquelle j'ai cru mourir d'ennui.
Mais n'étant pas enferré dans mes certitudes, et immergé que j'étais dans l'atmosphère émoliente d'un dernier jour à Cannes, j'ai décidé de me farcir Pacifiction en rattrapage, le dernier jour du Festival 2022.
Mal m'en a pris : j'ai revécu les mêmes sentiments qui m'avaient assailli lors de ma première expérience avec Serra. L'impression constante que le réalisateur joue avec mes nerfs, qu'il se moque complètement de mon plaisir et qu'il n'est conduit que par les errances de son imagination souffreteuse.
C'est peu dire que le film peine à remplir les 2h45 qu'il vole à la vie de ses spectateurs. Chaque plan pourrait durer 2 fois moins, 10 fois moins, ou pourquoi pas 10 fois plus que sa durée actuelle : cela ne changerait rien à ce que le film raconte, ou plutôt ne raconte pas.
Car en réalité l'oeuvre de Serra est probablement plus proche de l'art contemporain que du cinéma. La narration y est inexistante, et le peu d'intérêt qu'on trouve à suivre les indigentes pérégrinations de Magimel réside dans une atmosphère qu'on pourra qualifier de psychédélisme éthéré, ou de spleen queer tropico-kitsch, façon Mandico sous léxomyl.
Dans ce brouet arty sans queue ni tête, on ne sait pas dire ce qui est le plus terrible : la banalité éculée d'un fantasme politique de pacotille, l'esthétique de brochure publicitaire, l'ambiance mal digérée de film d'espionnage ou les effluves malsaines d'un néo-colonialisme dont le deuxième degré n'est pas avéré.
On a souvent vu au cinéma la mécanique infernale qui s'abat sur ceux qui ne possèdent rien, dans un pays pauvre et corrompu.
Généralement, l'enchaînement est le suivant : frustration et honte de ne pas pouvoir subvenir aux besoins de sa famille (ici deux petites soeurs), tentation de de livrer à des trafics illégaux pour augmenter ses revenus, puis pétage de plomb final pour résoudre les insolubles conflits psychologiques que génère la situation.
L'originalité est que ce drame, typique du cinéma des pays du sud, est ici tourné par un réalisateur américain d'origine tunisienne, Lotfy Nathan. Harka est donc construit suivant les codes du thriller américain : montage rythmé, mise en scène visant à l'efficacité, sens du spectaculaire, tension constante.
La puissance du film doit beaucoup à la prestation de son acteur principal, le Français Adam Bessa, très convaincant dans un rôle ingrat de désespéré dépressif. Il porte littéralement ce premier film sec et intéressant, bel hommage aux premiers révoltés tunisiens.
Malgré quelques facilités et un scénario un peu plat, Harka est donc à découvrir, et Lotfy Nathan un cinéaste à surveiller de près.
S'il est arrivé que James Gray se perde, il faut reconnaître qu'il se retrouve ici, dans une veine autobiographique et nostalgique, qui rappelle un peu la démarche de PT Anderson dans Licorice pizza.
Le grand mérite du film est de mélanger chronique intime (un petit garçon et son grand-père qui va mourir, des parents imparfaits et attendrissants, une ambiance new-yorkaise des confins, délicieusement rendue) avec un tableau saisissant d'un racisme américain qu'on se surprend à penser (avec effroi) congénital.
Ce tour de force est réalisé sur un mode mineur, sans esbroufe et avec une délicatesse de tous les plans. L'introspection qu'il propose à ses personnages devient petit à petit un examen de conscience de la nation américaine.
Anti-spectaculaire dans sa construction, Armageddon time est un petit chef-d'oeuvre sotto voce. La distribution est parfaite, d'Anthony Hopkins au faîte de sa forme à un Jeremy Strong surprenant, pour ceux qui le connaisse surtout dans le rôle phare de l'excellente série Succession. Le jeune acteur Banks Repeta irradie la pellicule, en alter ego du réalisateur (le film pourrait s'appeler "portrait d'un jeune garçon en futur artiste"). Anne Hathaway est une nouvelle fois formidable.
A ne pas rater, c'est pour moi le meilleur James Gray depuis longtemps.
Sur le papier, ce film avait tout pour me plaire : un metteur en scène prometteur (j'avais bien aimé Le Caire confidentiel), un sujet intrigant, sorte de variante islamique du Nom de la rose, et un doux parfum d'exotisme.
Malheureusement, je trouve que La conspiration du Caire manque de crédibilité. Je n'ai jamais été vraiment captivé par l'intrigue, trop sage à mon goût. Le film avance plan-plan sans véritable tension dramatique et certaines évolutions du scénario m'ont paru très peu crédibles (comment un jeune inconnu peut faire changer d'avis un imam d'expérience avec deux pauvres citations ?).
De la même façon, la façon dont les frères musulmans abandonnent facilement la partie m'a interloqué.
Pour résumer mes sensations, et malgré une mise en scène très solide, j'ai globalement trouvé que ce film manquait d'originalité et suivait froidement un programme trop scolaire (et par ailleurs peut-être conçu en mode "je veux être en compétition à Cannes"), gommant toute la poisseuse tension qui irriguait le premier film de Saleh.
Pour moi un des chocs majeurs du festival de Cannes 2022.
Ce premier film ukrainien est d'une qualité et d'une force époustouflantes.
Le sujet est celui d'un western, ou d'une tragédie grecque. Un dur à cuire revient dans son village. Son fils ayant fait une bêtise, il se voit obliger de retourner dans un monde de délinquance qu'il souhaitait quitter.
C'est peu dire que la mise en scène est virtuose : les plans séquences y sont fascinants par leur fluidité, la photographie sublime et la direction artistique splendide. Les acteurs réalisent une performance qui frôle la perfection, à l'exemple de Oleksandr Yatsentyuk, l'acteur principal, véritable force de la nature, qui force l'admiration.
L'action se déroule durant une sorte de carnaval aux costumes ruraux incroyables, qui donne à de nombreuses scènes une coloration fantastique et burlesque. Dans ce film marqué par le sceau d'une dévotion à la réalité la plus crue, la fantasmagorie qu'apporte une fameuse scène nocturne apparaît comme un bijou cinématographique.
Dieu sait si j'avais apprécié le premier film de Lukas Dhont, Girl, que j'avais découvert avec émerveillement dans la section Un certain regard du Festival de Cannes 2018.
C'est donc avec une grande impatience que j'attendais le deuxième film du jeune Belge, présenté cette fois-ci en compétition officielle, à Cannes 2022.
Pour commencer, il faut dire que ce deuxième film possède bien des qualités que l'on découvrait avec stupéfaction dans Girl : une sensibilité à fleur de peau, une faculté hors du commun pour capter les toutes petites émotions du quotidien et une empathie générale qui englobe tous les rôles sans exception (et jusqu'à la nature dans ce film). Ses qualités s'expriment aussi bien à travers la mise en scène (précise, épurée, élégante) que par la photographie, magnifique.
Cette histoire d'amitié floue entre deux jeunes garçons est donc tout à fait estimable et emporte globalement l'adhésion, tant la délicatesse qui l'irrigue est exceptionnelle dans le cinéma contemporain.
Il est toutefois assez nettement en retrait de son prédécesseur par certains points. L'évènement central autour duquel pivote le film est un peu lourdement amené, et ne m'a pas entièrement convaincu. La deuxième partie du film m'a paru de fait un peu plus convenue que la première, même si l'interprétation d'Emilie Dequenne y atteint des sommets. La répétition de certaines scènes (les courses dans les champs) peut aussi lasser, ainsi que l'étiolement d'un scénario qui, à force de vouloir éviter le sujet principal du film, finit peut-être par le rater.
Un film lumineux, réduit à l'os, dans lequel tout ce que l'on voit passe par le regard de Léo, joué par un jeune acteur fabuleux, Eden Dambrine, et une deuxième brique intéressante dans une carrière qui s'annonce riche et passionnante.
Drôle de ce film que cet OVNI signé Alessandro Comodin (L'été de Giacomo).
Cela commence comme une sorte de manifeste conceptuel : le "héros" s'engueule avec un voisin qu'on ne verra jamais, à travers une haie, pendant 10 minutes. La scène, minimaliste et austère (il fait nuit, on ne voit pas grand-chose, et on ne comprend pas les enjeux), est à l'image du reste du film.
Le personnage principal, Gigi, semble échappé d'un film de Tati. Il est filmé quasi exclusivement en plan fixe, même quand l'intérêt de la scène se déroule en dehors du cadre. On ne comprend pas grand-chose à ses allées et venues désenchantées et inefficaces, jusqu'à ce que l'on comprenne (ce n'est pas clair, mais c'est mon interprétation) qu'il souffre de troubles psychologiques.
Il faut donc une disposition particulière pour apprécier cette balade sans queue ni tête dans la campagne italienne, portrait évanescent d'un personnage surréaliste, qui peut rappeler le cinéma de Kaurismaki, en moins maîtrisé. Et je ne l'ai pas du tout.
Ce nouveau film de Cristian Mungiu commence plutôt bien. L'acuité du tableau qu'il dessine, la profondeur des différents personnages et l'atmosphère d'étrangeté qu'il dégage rappellent les grandes heures du cinéaste roumain. De multiples pistes sont ouvertes (dont peu se résoudront).
La photographie est grise à souhait, la mise en scène d'une précision diabolique. La "méthode Mungiu" culmine dans un plan fixe d'anthologie regroupant au moins une soixantaine de personnages, assistant à une réunion publique sur le sujet de quelques travailleurs sri lankais venus travailler dans le village.
Cette scène est à la fois terrible par ce qu'elle montre (un racisme collectif et irrationnel, qui s'exerce à de multiples niveaux - Allemands, Hongrois, Roumains, gitans, Sri Lankais) et par la façon dont elle le montre (notre oeil de spectateur voyeur se fait presque complice de l'action). Elle mérite à elle seule qu'on aille voir le film.
Passé ce climax d'une qualité inouïe, le film se perd un peu, probablement à cause d'un point de vue un petit peu convenu sur le sujet de la xénophobie (on pense aux Dardenne) et d'un manque de précision dans le développement du scénario, qui ne sait pas vraiment conclure. Les dernières images du film sont à cet égard assez frustrantes : on ne comprend pas ce qu'on voit, et les interprétations qu'on peut donner à cette fin (que Mungiu refuse de commenter) sont vraiment trop variées pour que le procédé soit intéressant. Pour ma part j'y ai vu une allégorie de la xénophobie refoulée.
Du pour et du contre donc pour cette oeuvre un peu moins aboutie que les précédentes productions du cinéaste roumain.
A l'occasion de sa sortie, je vous propose de gagner 3x2 places pour découvrir le filmLes repentis.
Pour ce faire :
- répondez à la question suivante : quel film d'Iciar Bollain se déroule en Asie ?
- joignez votre adresse postale
- envoyez moi le tout par iciavant le 6 novembre 20h
Un tirage au sort départagera les gagnants. Vous recevrez ensuite les places envoyé par le distributeur. NB : un des trois lots sera attribué par tirage au sort à un participant ayant aimé ma page FB oumon compte Twitter ou s'étant abonné à la Newsletter du blog (n'oubliez pas pour participer à ce tirage au sort spécial de me donner votre pseudo dans votre réponse, pour que je fasse le lien)
1h29 de décalage permanent, au service d'une exploration poétique, sensorielle et cruelle de la condition humaine et animale : voici le nouveau projet du fantasque Skolimowski.
On croit suivre un âne, mais c'est plutôt les différentes variantes de l'être humain que nous allons découvrir, comme si l'animal était l'oeil de Dieu. Et ce n'est pas très joli : cruauté gratuite, égoïsme, inconséquence, stupidité, futilité pour bien peu de compassion.
Côté animal et nature, le film propose quelques images saisissantes, qui forcent l'admiration et font sentir la majesté du monde non humain. Je pense par exemple à cette balade de nuit dans une forêt diablement inquiétante, ou au paysage de la cascade et du pont. Les images et le design sonore font de EO une oeuvre souvent sublime.
Les parti-pris de mise en scène sont radicaux et fonctionnent à la perfection. Il y a une brillante idée de cinéma toutes les 3 minutes. EO (Hi Han en anglais...) est court, dense et parfaitement rythmé. Surprenant, atrocement drôle et parfaitement maîtrisé : un des meilleurs films de l'année, sans aucun doute, qui se finit sur une scène poignante.
Une fois de plus, le monde des grands voyageurs se retrouve à Albertville pour une orgie de films documentaires, de conférences et de rencontres au salon du livre. L'ambiance est festive, multiculturelle et bon enfant au bord de l'Arly : un rendez-vous qui gagne à être connu.
19 octobre
Le Festival commence pour moi avec My name is Gulpilil (2/5), film australien sorti en août de cette année, qui nous montre l'acteur aborigène David Gulpilil finir sa vie, atteint d'un cancer, et se remémorant sa carrière. Si le visage de Gulpilil est impressionnant, le film pâtit à mon avis de partis-pris esthétiques pas très heureux de sa réalisatrice. Il finit aussi par radoter sur la fin, et ne fait que survoler quelques points qu'on aurait aimé voir plus creusés (l'alcoolisme ou la violence de l'acteur envers les femmes). On finit par être gêné d'observer l'agonie d'un homme dont on ne sait trop quoi penser.
21 octobre
Tout ce qui respire (5/5) de l'indien Shaunak Sen, a remporté toutes sortes de prix à travers le monde (Jury à Sundance, Oeil d'or à Cannes), et on comprend pourquoi en voyant le film.
En peignant le portrait de deux frères qui soignent des oiseaux (des milans noirs pour être précis) à New Delhi, Sen réussit à nous émouvoir aux larmes et à aborder énormément de sujets sur un mode poétique et inspiré.
La mis en scène est brillante, jouant sur beaucoup de paramètres pour exprimer les idées de l'auteur : profondeur de champs, variété des cadrages, ralentis, photographie. La co-existence des humains et des animaux a rarement été aussi bien montrée au cinéma.
C'est du grand art, à la façon d'un Depardon ou d'un Wang Bing. Formidable.
22 octobre
Ce samedi commence avec un film très agréable, La symphonie des arbres (4/5) du norvégien Hans Lukas Hansen. Le film suit l'itinéraire d'un luthiste italien de Crémone, qui se met en tête de fabriquer un violon parfait en cherchant l'érable de ses rêves dans les Balkans. Le contraste entre l'optimisme lunaire du personnage principal et les rudes milieux qu'il fréquente en Bosnie rend le film, par ailleurs réalisé comme un thriller, très sympathique.
En soirée, projection de Notre endroit silencieux (1/5) de la bulgare Elitza Gueorguieva, qui dresse le portrait de l'écrivaine biélorusse Aliona Ghoukova. Il est question de deuil du père et d'écrire dans une langue qui n'est pas sa langue natale, mais le dispositif est trop théorique pour convaincre. Ce film d'1h08 lorgne du côté de l'art contemporain.
La soirée se finit avec une table ronde d'une heure regroupant Rachid Benzine, Alain Mabanckou, Zarina Khan et l'héroïne du film, Aliona Ghoukova. Les débats sont un peu confus, heureusement animés par la faconde de Mabanckou.
23 octobre
Ce dimanche commence de tôt matin avec la projection du film chinois Singing in the wilderness (3/5), de la réalisatrice Dongnan Chen. Le film nous plonge dans la minorité des Miao chrétiens du Yunan, à travers le destin d'une petite chorale locale qui est en quelque sorte instrumentalisé par le pouvoir communiste. S'étendant sur de nombreuses années, il suit le destin de quelques-uns de ses membres, tout en abordant plusieurs sujets de société (les rapports femme homme, le tourisme, la corruption). Un mélange d'intime et de collectif réussi.
La terre est bleue comme une orange (3/5), de l'Ukrainienne Irina Tsylik est aussi réjouissant, malgré son sujet : une mère célibataire élevant seule ses enfants dans le Donbass en guerre. La situation tragique est transcendée par le projet de la fille ainée de la famille, qui tourne un film sur la guerre en y impliquant toute sa famille. Force de l'art, magie du cinéma, formidable optimisme de tous les protagonistes : on est emporté par cette drôle de mise en abîme.
Je finis par la remise des prix qui couronne La combattante de Camille Ponsin, portrait de Marie José Tubiana. Le réalisateur et l'ethnologue (90 ans !) sont sur scène. Le film de clôture, River (1/5) de l'australienne Jennifer Peedom, est une collection de belles images façon Yann Arthus-Bertrand qui ne sont pas contextualisées , et qu'accompagne un discours soporifique et new age déclamé par Willem Dafoe. De belles images sans aucun sens, pour un brouet malickien en diable : j'ai détesté.
A l'occasion de sa sortie, je vous propose de gagner 3 exemplaires du DVD du film de Gaspar Noe,Vortex.
Pour ce faire :
- répondez à la question suivante : dans quel film d'Arnaud Desplechin Françoise Lebrun a t elle tourné ?
- joignez votre adresse postale
- envoyez moi le tout par iciavant le 26 octobre 20 h.
Un tirage au sort départagera les gagnants. Vous recevrez ensuite le DVD envoyé par le distributeur. NB : un des trois DVD sera attribué par tirage au sort à un participant ayant aimé ma page FB oumon compte Twitter ou s'étant abonné à la Newsletter du blog (n'oubliez pas pour participer à ce tirage au sort spécial de me donner votre pseudo dans votre réponse, pour que je fasse le lien).