Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Christoblog

Tabou

Il y a deux types de films qui me plaisent beaucoup

Le premier type est celui des oeuvres qui m'emportent par leur énergie, leur souffle, leur caractère entier. Je suis alors très indulgent quant à leur défauts, dans lesquels je peux même voir en toute mauvaise foi des qualités. Dans cette catégorie, de bons exemples récents pourraient être La guerre est déclarée, Polisse, Kaboom.

Le deuxième type est constitué de films que je trouve admirables sur tous les plans (photo, mise en scène, direction d'acteur, scénario, son). Ils constituent des films-univers que leur auteur conçoit et développe en toute autonomie. Tout fait sens dans ces films, et tous les détails y sont importants. Je pourrais les revoir trois fois en y décrouvant de nouvelles choses à chaque fois. Mais la nature de la satisfaction y reste surtout intellectuelle, et l'émotion brute n'est pas toujours présente. Dans cette catégorie, je classerais Au-delà des collines, Il était une fois en Anatolie, Holy motors, et Tabou.

Le film a tellement été déjà commenté sur la blogosphère que je passe sur le descriptif pour parler directement de ce que j'ai trouvé génial dans le film, et que je résume en trois assertions :

Le film est raciste, mais ce n'est pas le sujet

Alors que Tintin au Congo suscite remarques et polémiques, Miguel Gomes se permet d'aller beaucoup plus loin, sans que personne ne trouve à y redire : les Noirs sont totalement refoulés à la périphérie du film, montrés presque comme des animaux. En réalité, on s'en fout, peut-être parce que la distance installée par le dispositif scénaristique nous exonère d'y réfléchir. Ce n'est pas le moindre miracle de ce film d'inventer un rétro tellement peu rétro qu'il n'entraîne même pas la culpabilité. Nous ne sommes pas dans une Afrique coloniale, nous sommes dans une contrée imaginaire. 

Le film invente ou utilise une myriade de figures de styles cohérentes.

La deuxième partie est magnifiquement sonorisée (on entend le souffle du vent, le piètinement des brousailles) sans entendre les voix. La carte postale d'une maison de retraite se transforme magiquement en décors réel. Un arrière plan (au casino, pendant qu'Aurora parle de son rêve) tourne lentement et mystérieusement. Des regards-caméras ponctuent plusieurs scènes. Le film invente sa propre syntaxe, et c'est vertigineux.

Le film entretient une douce impression de rêve éveillé

Apparition fantomatique dans la visite des grottes, sur fond de discours surréaliste, éclairages bizarres, animaux dessinés dans les nuages, apparition diverses de crocodiles, ouverture rétro et mélancolique, morceaux pops décalés, scène de boxe française contre des ennemis invisibles, relation finale entre la petite et la grande histoire à travers l'indépendance, plan sur des tombes, cuisinier qui lit l'avenir dans les entrailles de poulet, suspicion de pratiques vaudou, décors vaguement exotique qui sert d'écrin aux confessions de Ventura.... on pourrait multiplier les exemples d'idées qui détonnent et étonnent.

Pour ma part, l'histoire d'amour de la deuxième partie - bien que classique - m'a particulièrement plu par son caractère tendrement sensuel et farouchement romantique (ou l'inverse). La résonance posthume de la première partie dans la deuxième m'a aussi rempli d'une douce quiétude (on comprend beaucoup mieux pourquoi la fille n'apparaît jamais).

Pour toutes ces raisons et quelques autres, je déclare donc que Tabou est un beau film, amen.

 

3e

Commenter cet article

C
Le film n'est pas raciste, il nous montre une Afrique où le Blanc se comportait de manière raciste, ce qui n'est que le reflet de l'époque colonial. Tous les films tournés sur ce continent dans les<br /> années 30à 50 nous offre cette vision. Sinon, j'ai trouvé le film magnifique, surtout la seconde partie, esthétiquement et émotionnellement beau à pleuré. Et c'est si rare d'entendre cette belle<br /> langue portugaise qu'on peut se féliciter que ce film ait été distribué en France. Le film de l'année pour moi, avec Oslo, Faust, Twixt, Rebelle (pas le Pixar, comme toi).
Répondre
C
<br /> <br /> Je pense comme toi qu'il ne l'est pas (raciste), mais ce qui m'étonne c'est que le débat n'ai pas germé... Content que tu aimes Rebelle, je désespérais de voir que ce film avait été si peu vu !<br /> <br /> <br /> <br />
B
Je partage ta vision des films « qui te plaisent beaucoup », et je me retrouve particulièrement dans le « deuxième type », « constitué de films que je trouve admirables sur tous les plans », «qui<br /> font sens, qu’on peut revoir à discrétion en y découvrant toujours de nouvelles choses ». « Une satisfaction intellectuelle, où l'émotion brute est seconde ». Tu indiques que dans cette catégorie,<br /> tu classerais « Au-delà des collines » ou « Il était une fois en Anatolie », et je ne saurais mieux dire !<br /> <br /> Mais je ne classerais pas Tabou dans cette catégorie. J’ai trouvé l’exercice bien trop formel, manquant de sincérité. Au bout du compte, un « tout ça pour ça ?! » m’a traversé l’esprit. Le thème<br /> est traditionnel (deux êtres foudroyés d’un amour passionnel, l’amour d’une vie, celui qui rend fou et qui tue), mais j’en ai même trouvé le traitement superficiel. Avec en outre la prouesse de<br /> rendre le spectateur totalement indifférent au destin des personnages. J’en suis sorti en pensant déjà à autre chose, pas bon signe chez moi. Bel exercice de style donc.
Répondre
C
<br /> <br /> Je suis d'accord avec toi, c'est pour ça d'ailleurs que Tabou n'a que 3***....<br /> <br /> <br /> <br />
B
Je suis d'accord avec toi pour l'enthousiasme succité par ce film qui détonne complétement, avec un noir et blanc de toute beauté
Répondre
C
<br /> <br /> Les deux noirs et blancs porrait-on dire, car ils sont très différents dans les deux parties !<br /> <br /> <br /> <br />