Post tenebras lux
Certains films ont été à l'évidence conçu pour m'atteindre personnellement.
Albert Serra (Le chant des oiseaux), Bela Tarr (Le cheval de Turin) et donc aujourd'hui Carlos Reygadas, semblent avoir constitué une sorte de confrérie visant à abattre mon moral, à saper mes certitudes en matière de beauté et à attaquer la solidité de mon amour pour le cinéma.
Alors oui, la première scène est géniale. On y voit un enfant, des animaux, un format d'image bizarre et une lumière envoutante. Elle dure cinq minutes.
Toute la suite du film s'avère une longue décomposition narrative, pénible, et insultant l'intelligence du spectateur, un assemblage de scènes qui ne se raccordent en aucune façon.
Ainsi Reygadas montre alternativement du rugby (eh oui, il aime ce noble sport, encore heureux qu'il ne soit pas fan de curling), une partouze dans un sauna parisien (Reygadas aime-t-il cela autant que le rugby ?), des considérations sur la nature et les arbres, une famille attaquée dans une maison isolée, des enfants énervants, un personnage qui arrache sa propre tête et un diable cornu. Ne cherchez pas à comprendre, c'est la pire des erreurs que vous puissiez commettre, car Reygadas vous accule dans cette impasse esthético-sentimentale : si vous m'aimez, aimez moi sans comprendre, vous dit-il. Mais avec moi, ça ne marche pas, Monsieur, j'ai une plus haute conception des relations unissant un créateur et son public !
Le pire de Wheerasetakhul et de Malick assemblé, sans leur grâce, voilà ce que propose Reygadas.
Le film a reçu un prix à Cannes 2012 (je ne souhaite pas me rappeler lequel), et Reygadas le ramassa en méprisant ouvertement la presse qui n'avait pas été tendre avec lui : ce cinéaste est à l'hermétisme prétentieux et poseur ce que Jean-Marie Bigard est à la vulgarité.
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