Les bêtes du sud sauvage
Suis-je donc le seul sur la planète cinéphile, de Sundance à Reykjavik, de
Cannes à Deauville, à voir à quel point ce film est imparfait et même un peu roublard ?
On dirait.
Pourtant, il me semble évident que ceux qui s'extasient devant la petite Hushpuppy le font sur un mode qui n'a pas grand-chose à voir avec le cinéma, mais plus avec la réaction d'une pré-ado qui craque devant un petit chaton en lançant un perçant "il est trop mimiiii". Si la petite actrice au nom compliqué (Quvenzhané Wallis) est touchante, elle ne le doit en effet ni à ses talents d'actrice (de nombreux regards caméra, une expression monocorde), ni à celui de Benh Zeitlin, le réalisateur novice, qui semble parfois même la manipuler.
De toutes les façons, la perfomance de la petite fille de 6 ans occulte dans les commentaires les faiblesses criardes du film, à savoir le caractère répétitif des procédés employés, les tics très "auteur fauché" du genre caméra à l'épaule et image sale, la laideur de certaines scènes et les impasses narratives. Le film est en effet un véritable manuel en matière de "comment ne pas filmer ce que je ne sais pas montrer" : comment ne pas filmer un fantôme, comment ne pas filmer une tempête, comment ne pas filmer une digue qui cède, comment...
La fonte de la banquise donne naissance à des images particulièrement moches (les aurochs dans les glaçons font très Age de glace 5), mais par un curieux tour de passe-passe les critiques sont prompts à louer la laideur en y voyant avec bienveillance une bienvenue économie de moyens.
Quant au fond du film, il n'est qu'une sorte de verroterie new-age sans profondeur, dans laquelle on retrouve alignées des scènes sans grande signification, qui exploitent pêle-mêle les voix disparues, la célébration païenne de la nature, le dérèglement climatique, et la puissance vitale des animaux. Zeitlin cite dans ses références Werner Herzog et Terence Malick. Il lui reste un sacré chemin à parcourir.
Un cas d'école en matière de hype Sundance entretenue par l'internationale des critiques complaisants.
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