Inglourious basterds
Je pensais à l'époque de Reservoir Dogs qu'avec Tarantino, trop ne serait jamais trop.
Pulp fiction me donnait raison, puis Jackie Brown aussi, dans un genre différent.
Ensuite les Kill Bill m'ont laissé perplexe. Déjà un peu trop de combattants (combien déjà, plus de cent ?), trop de scènes juxtaposées en oubliant que
finalement un film est un tout, trop peu de sens en réalité. Trop de références cinéphiliques pour initiés. Le quasi anecdotique Boulevard de la mort
m'avait franchement interpellé : que devenait Tarantino ? pourquoi la belle mécanique semblait elle tourner à vide ?
Inglourious Basterds ne (re)fait pas de Tarantino un cinéaste de premier plan. C'est un film qui est trop.
Trop long d'abord. Il faut attendre une bonne heure pour commencer à mordre, les deux premières parties sont totalement insipides. Et diablement bavardes : de longs tunnels de dialogues sans
intérêt.
Trop caricatural : quand les archétypes écrasent les personnages, l'émotion ne peut plus être au rendez-vous : Mélanie Laurent, vous y croyez une seconde, vous ? (et je ne parle pas du Noir
projectionniste, personnage ridicule)
Trop mièvre : la musique de chiotte (la version trafiquée de la lettre à Elise au début est probablement une tentative de singer le grand Ennio Morricone ?) alors que d'habitude la bande son est
un point fort de l'univers de Tarantino. La course de Mélanie Laurent à travers champ ! Le second degré du second degré n'est jamais loin du n'importe quoi.
Trop facile : proposer une scène de scalp pour réveiller le public, faire tourner la caméra autour des personnages comme dans le début de Reservoir, mettre des incrusts pour préciser qui est qui,
mettre deux ennemis en face l'un de l'autre se mettant mutuellement en joue (ou en testicule pour être plus précis) ...
Trop d'onanisme cinéphilique : le film est bourré de références (aux stars du cinéma allemand, au 12 salopards d'Aldrich, aux séries B italiennes - d'où vient le titre du film lui-même, au cinéma
français sous l'occupation), mais ça sert à quoi ?
Trop trop.
Pas assez de rythme, de virtuosité, d'effet de surprise, de cohérence narrative, d'efficacité scénaristique, qui sont habituellement des marqueurs tarantinesques.
Le côté cartoon, qui fonctionne assez bien quand Tarantino reste dans l'univers mythologique américain, résiste assez mal au frottement à l'Histoire. Le problème n'est pas que le Hitler de
Tarantino ne soit pas crédible, il est qu'il n'est pas intéressant.
Et l'uchronie que propose le film pose question : que veut elle dire, si elle veut dire quelque chose ? L'étape d'après c'est quoi : Tarantino à Buchenwald ? Pour dire quoi, pour faire naître quel type de sentiments ?
Bien sûr tout n'est pas nul : les performances d'acteurs tout d'abord, Christoph Waltz fabuleux et justement récompensé à Cannes, Brad Pitt, qui commence à exceller dans les rôles d'idiot (c'est
à se demander). Et puis de temps en temps un éclair de génie (le visage de Mélanie Laurent dans la fumée) ou un zeste d'efficacité (le gunfight dans la cave). Les digressions sur la nourriture et
les boissons en général. Le jeu sur les langues (avec mention spéciale pour l'italien).
Mais tout cela ne fait pas un grand film. Juste un Tarantino.
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