Before sunrise
Alors que sort mercredi Before midnight, il n'est pas inutile de revenir sur les deux premiers volets de cette trilogie, débutée en 1995 par Richard Linklater (le réalisateur), Julie Delpy et Ethan Hawke (les acteurs) : Before sunrise, puis Before sunset.
Rappelons que ces trois films peuvent être attribués aux trois protagonistes, puisque les deux acteurs ont très largement participé au développement des scénarios des trois films, sur une idée originelle (et autobiographique si on en croit les rumeurs) de Richard Linklater.
C'est peut-être de cette intense collaboration artistique que vient cette impression saisissante de naturel et de profonde légèreté qui semble saisir tous les spectateurs de Before sunrise.
Rappelons le prétexte du film : deux jeunes gens (lui américain, elle française) se rencontre par hasard dans un train, et passe une nuit ensemble à errer dans les rues de Vienne, parlant sans cesse et tombant amoureux.
Ce qui fait l'originalité du film tient à mon sens en deux choses.
La première est la façon dont la fluidité du temps est rendue. Tous les éléments du film semblent progresser à la même vitesse, et si je puis dire dans le même sens : le train et les tramways roulent, les deux jeunes gens marchent, le temps s'écoule, les vies passent (le cimetière), la nature suit son chemin (les étoiles, le soleil), le sentiment amoureux progresse et s'amplifie. Tous ses flux se mêlent, se croisent et se nourrissent l'un l'autre, amplifiés par la voix des deux acteurs, qui semblent exprimer un flow continu de pensée, presque jamais silencieux, et débattant avec une liberté incroyable de sujets renvoyant souvent au temps, passé ou futur (premiers souvenirs, espoirs pour l'avenir).
Le second point fort du film est la personnalité incroyable de Julie Delpy, qui est dans ce film complètement irrésistible. Tout à tour espiègle, directe, emportée, vulgaire, triste, poétique, tendre, intellectuelle, enjouée, elle déverse sur Ethan Hawke une pluie de sensations qui le rendent d'ailleurs de plus en plus silencieux, et amoureux. Les débats entre les deux personnages peuvent prendre des aspects inattendus, et brassent des sujets très divers, personnels ou philosophiques, sans jamais ennuyer. Les deux amants font preuve l'un envers l'autre d'une qualité d'écoute remarquable.
Le film multiplie par ailleurs les rencontres improbables et initiatiques (j'ai souvent pensé à des thèmes mythologiques : Ulysse, Orphée), comme par exemple les deux acteurs de théâtre, le clochard qui écrit des poèmes, les inserts sur les clients du bar, la cabine d'écoute chez le disquaire, la voyante. Le réalisateur souligne d'ailleurs cet aspect des choses avec ces derniers plans superbes qui montrent quelques uns des décors fréquentés par le couple durant la nuit, vides et désertés. Une façon d'attester que la trace indélébile de cette histoire d'amour idéale subsiste dans l'atmosphère de la ville, comme son souvenir dans notre esprit.
Probablement un des plus beaux films jamais réalisés sur la naissance du sentiment amoureux.
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