Journal du Festival d'Annecy 2024
9 juin
Le pays invité du Festival est cette année le Portugal. Je commence donc ma semaine avec un programme de courts-métrages portugais, centré autour de la figure de José Miguel Ribeiro, le réalisateur de Nayola, qui a atteint les écrans français l'année dernière. Les cinq films mettent en valeur l'incroyable diversité des modes d'animation possibles, de la facture classique parfois mêlée à des prises de vue réelles à la peinture sur verre, en passant par les dessins de voyage ou l'animation d'objets. Mais le clou de la séance est le formidable film de Ribeiro, Le suspect, stop motion dans le huis clos d'un compartiment de train, bijou d'humour et de suspense. Ce film a remporté des dizaines de prix à travers le monde et on comprend pourquoi.
J'enchaîne avec la masterclass de Terry Gilliam, en pleine forme à 84 ans. Ce dernier revient sur sa carrière devant une salle Bonlieu pleine à craquer et prompte à s'enthousiasmer à chaque saillie et plaisanterie de l'américano-britannique. De ses débuts de cartooniste au baron de Munchausen en passant par l'incroyable parenthèse libertaire qu'a constitué les Monty Python, le maître nous régale de nombreuses anecdotes qui respirent l'humilité et une soif de s'amuser presqu'enfantine. Parmi ces anecdotes, je retiens le souvenir d'une master class qu'a donné Gilliam à de jeunes cinéastes américains en compagnie de Stanley Donen et Volker Schlondorf, et parmi lesquels se trouvaient un jeune réalisateur nommé ... Quentin Tarentino. Un très beau moment, en attendant le prochain film de Gilliam, The Carnival at the end of the day, qui rassemblera Johnny Depp, Adam Driver et Jeff Bridges.
10 juin
La soirée ne commence pas très bien avec le film du cinéaste canarien David Baute, Mariposas negras (1/5). Cet ambitieux long-métrage, à l'animation pourtant malhabile, trace l'itinéraire de trois femmes du Sud victimes des conséquences du réchauffement climatique, sous forme d'une accumulation de péripéties plus atroces les unes que les autres (guerre, viol, mort). C'est un long calvaire mièvre et doloriste, qui ne semble constitué que de lieux communs dénués de tout enjeu narratif : le film m'a insupporté.
La suite est bien plus agréable, avec le beau Memoir of a snail (4/5) du génial australien Adam Eliott, auteur du célèbre Mary et Max. Le film suit le destin de deux pauvres orphelins, dont le parcours chaotique est décrit avec une imagination débordante et un humour mordant. C'est vraiment un plaisir à la fois intellectuel (l'esprit est toujours sollicité par une trouvaille se trouvant à l'écran), esthétique (les personnages et décors en pâte à modeler sont sublimes) et finalement émotionnel (on écrase sa petite larme). Une réussite majeure qu'on retrouvera sur les écrans français puisque le film est distribué par Wild Bunch. A noter la voix de Sarah Snook (la Shiv de Succession) et celle de Nick Cave en guest.
13 juin
Anzu, chat-fantôme (2/5), film franco-japonais de Yoko Kuno et Nobuhiro Yamashita, lorgne du côté de Ghibli (petite fille décidée qui a perdu sa mère, fantômes et créatures monstrueuses dans la campagne japonaise, outre-monde) sans atteindre malheureusement le niveau des films de Miyazaki : l'animation est trop pauvre et la poésie est absente. Je suis très étonné que ce film somme tout très moyen ait été sélectionné à la Quinzaine des Cinéastes 2024.
Dans la foulée, la projection évènement de Moi moche et méchant 4 (3/5), qui sort en France le 10 juillet, est un plaisir régressif de bon niveau. La grande salle Bonlieu est bondée et l'atmosphère est électrique, avec l'ensemble de l'équipe du film dans la salle. Cette franchise est une de mes préférées : je trouve qu'elle assume parfaitement son côté grand public en déployant des trésors d'imagination visuelle et narrative. Cet opus bénéficie d'une animation ébouriffante et d'un sens du rythme diabolique, que la bande-son énergise encore plus. Les situations qui mettent en scène la famille Gru sont amusantes et celles mettant en valeur les fameux Minions sont délicieuses. J'espère un carton estival au box-office.
15 juin
Vice-versa 2 (2/5) est décevant. Alors que le premier opus réussissait à la perfection l'assemblage de la vie réelle et de la vie intérieure d'une petite fille, cette suite nous embrouille, avec un mélange de plusieurs idées qui ne nous touchent jamais. Il y a par intermittence quelques idées qui font mouche, mais le résultat est loin de combler les espoirs que je mettais dans cette suite.
Sauvages (1/5) de Claude Barras, est encore une plus grande déception. Ce film est une succession de clichés et de lieux communs politiquement corrects : il est donc question d'une multinationale constituée de salopards en cols blancs qui exploitent une forêt d'Amazonie dans laquelle vivent de gentils autochtones en lien direct avec la nature. Aucun enjeu narratif digne de ce nom, aucune nuance, nous avons ici un scénario qui représente bel et bien le niveau zéro de la subtilité. En voyant le film, je ne peux m'empêcher de penser que les qualités de Ma vie de courgette reposaient sur le travail de Céline Sciamma, bien plus que sur celui de Claude Barras, ici unique responsable de ce naufrage intégral.
Le cristal, la plus haute récompense du festival, est aujourd'hui attribué à Memoir of a snail (cf plus haut), un film vraiment merveilleux, alors que le film Flow, que j'ai vu à Cannes, et qui est très bon lui aussi, remporte plusieurs autres prix (dont celui du public).
A l'année prochaine, Annecy !
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