Festival d'Annecy 2022
Le Festival international du film d'animation d'Annecy s'ouvre aujourd'hui avec un programme pantagruélique qui mêle compétitions officielles dans de nombreuses catégories, films de patrimoine, séances en plein air pour le grand public, films de fin d'étude et hommage à l'animation Suisse.
Un chapelet de séances évènements toutes plus alléchantes les unes que les autres permettront au public de visionner en avant-première les plus grands films d'animation sortant dans les prochains mois, de Buzz l'éclair au prochain Michel Ocelot, en passant par ce que l'animation asiatique fait de meilleur (dont N°7 Cherry Lane de Yonfan, primé à la dernière Mostra).
Je pourrai me rendre quelques jours à Annecy pour visionner une petite dizaine de films dont je vous rendrai compte dans ce journal.
14 juin
Le festival commence pour moi avec un film coréen dans la sélection Contrechamps. Chun Tae-il : A flame that lives on (3/5) est un film à la facture très classique, que ce soit dans la narration ou dans le style d'animation. C'est surtout son propos qui est intéressant : il raconte comment un jeune ouvrier pauvre mena à la fin des années 60 une lutte modeste pour défendre les droits des travailleurs exploités dans le domaine du textile. Il s'agit d'une histoire vraie. Le film est coréen en diable, et ne recule devant aucune manifestation de sentiments au premier degré. Ce n'est pas désagréable, loin de là, à condition d'être réceptif au mélodrame pur.
J'enchaîne avec un premier film de la compétition officielle, le formidable My love affair with marriage (4/5) de la lettonienne Signe Baumane, qui nous accueille à l'entrée de la salle en nous remerciant d'être venu ! Le film est un délice en terme de techniques, mêlant animation traditionnelle, trouvailles plastiques et chansons amusantes. Il s'agit de suivre les démêlés d'une jeune femme avec l'amour en général, et ce faisant avec ses maris successifs, en différentes parties du monde. C'est drôle, enlevé et on passe un excellent moment. Premier coup de coeur.
17 juin
Trois séances enchaînées aujourd'hui dans la magnifique grande salle de Bonlieu. Pour la première, il règne une ambiance de surexcitation caniculaire : Les studios d'animation Disney présentent leur nouveautés ! Dans un premier temps, un Cristal d'honneur est remis à Jennifer Lee, réalisatrice des deux Reine des neiges, et aujourd'hui big boss de la création dans le studio. On voit ensuite en exclusivité mondiale deux courts-métrages : un de la série Baymax, assez quelconque, et un de la série Zootopie+, plus réussi. Mais le plat de résistance, c'est la présentation du nouveau long-métrage Disney qui va sortir en novembre, Strange world, par son producteur, le dégingandé Roy Conly. C'est tout à fait grisant de voir des extraits encore en travaux de cette nouvelle histoire et d'entendre un de ses concepteurs en parler. Difficile de se prononcer sur les rares images vues, mais ce que cela évoque de façon la plus évidente, c'est Voyage au centre de la Terre, de Jules Verne.
Globalement, cette séance donne une image du studio Disney assez incroyable : le discours est hyper-pro, mais aussi corporate à un point qui dépasse l'entendement (un film montre les employés qui s'imaginent parler à Walt lui-même), baigné par un enthousiasme qui peut sembler délirant envers le cinéma, le pouvoir des émotions et la mission quasi divine du studio dans le domaine de l'entertainment inclusif. A noter qu'on découvre qu'un des personnages de ce nouveau film est ouvertement gay (le garçon de la famille), alors que Buzz l'éclair est interdit dans 14 pays pour un chaste baiser lesbien.
De Disney à Pixar, il n'y a que quelques minutes et j'enchaîne avec Buzz l'éclair (3/5) en présence de son réalisateur Angus MacLane, lunaire et flegmatique. Le film est avant tout un film d'action, qui lorgne plus du côté de Star Wars (mais sans espace) que de Toy story, même si le caractère de Buzz est bien respecté. C'est techniquement splendide, et il y a quelques belles idées de scénario, mais le résultat entraîne tout de même une légère déception.
Pour finir la journée, retour à la compétition, avec Misaki no Mayoiga (The house of the lost on the cape) (2/5) du japonais Shinya Kawatsura. Ce dernier nous raconte l'histoire de deux petites filles, survivantes du tsunami de 2011, recueillie par une grand-mère dans une étrange maison en contact avec les esprits peuplant cette région du Japon. La narration est très sage et délicate (presque trop) et la deuxième partie, peuplée de créatures, rappelle un peu le cinéma de Miyazaki, en beaucoup moins spectaculaire. Je n'ai pas éprouvé l'émotion que cette histoire était en capacité de susciter sur le papier.
18 juin
Rendez-vous au N°7 Cherry Lane (4/5) pour commencer la journée. Ce film du Hong-kongais Yonfan, primé à la Mostra 2019 (prix du scénario), est d'une folle ambition formelle. Les images sont parfois d'une beauté sidérante, le scénario est d'une grande finesse, les méthodes de narration ne ressemblent à rien de connu et le sujet (un triangle amoureux dans les années 60 entre un éphèbe, une femme de 40 ans et sa fille) est sulfureux. Tout dans ce film est remarquable, y compris l'érotisation extrême des corps masculins. Une découverte majeure pour tout cinéphile.
Changement total d'ambiance pour la séance suivante. Sing a bit of Harmony (4/5) représente ce que l'anime peut avoir de plus régressif et de plus jouissif. Dans cette histoire de lycéens japonais qui doivent accueillir dans leur classe une Intelligence Artificielle qui prend la forme d'une lycéenne, on trouve tous les ressorts de la comédie romantique qui provoquent sourires, rires, pleurs et étonnements, quelque soit son âge ! Je ne peux m'empêcher de comparer l'énergie vitale incroyable de ce film au contenu parfait mais en grande partie aseptisé de Buzz l'éclair vu hier, les deux film jouent en effet sur les mêmes ressorts : humour, action, émotions, écoulement du temps.
Fin de cette édition avec le mignon Le petit Nicolas - Qu'est ce qu'on attend pour être heureux ? (3/5), déjà présenté à Cannes. Le film vaut plus par ce qu'on apprend des vies de Sempé et Goscinny que par les illustrations des nouvelles du Petit Nicolas, assez insipides. Inoffensif mais agréable, et court (1h22) !
A l'année prochaine !
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