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Christoblog

Les mille et une nuits - L'inquiet

A ceux qui se demanderaient comment être snob aujourd'hui, on conseillera de dire du bien de Miguel Gomes (en ayant vu, ou pas, ses films, peu importe)

Par exemple : "l'élan créatif de Miguel Gomes (pour plus d'effet, prononcer Miguel Gom'ch) s'éloigne du naturalisme social bien-pensant pour aboutir à un film-monde d'une infinie poésie" ou "l'hétérogénéité du matériau filmique renforce les correspondances baudelairiennes de l'oeuvre, qui en devient saisissante" ou "c'est par le truchement de ses changements de tonalité que ce film monstre atteint son but : parler de politique poétiquement" ou "le film de Gom'ch est à La loi du marché ce que la Divine comédie est au Code de la sécurité sociale". 

Au spectateur qui ne connait pas le projet initial de l'auteur (porter à l'écran sous forme d'histoires des faits divers portugais scrutés au jour le jour sur une longue période), l'oeuvre paraîtra pourtant bien absconse. On ne comprend en effet pas grand-chose à ce qu'on voit, et si le film peut être ébouriffant par moment, l'assemblage global est un foutu bric à brac, à la fois original et un peu factice.

A l'image sale et documentaire du début succède ainsi l'image hyper-léchée d'un épisode dont je n'ai absolument pas saisi le sens (l'Ile des vierges), puis le burlesque plaisant des "Hommes qui bandent". C'est parfois trop long (le coq), parfois très émouvant (les trois témoignages en plan fixe), parfois totalement insipide (le bain).

On appréciera le film à condition d'aimer un cinéma conceptuel (je veux dire : rempli de plans dont on ne comprendra jamais ce qu'ils font là), très peu sensitif, mais stimulant intellectuellement.

 

2e

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B
Ton dernier paragraphe, Chris, me convient parfaitement. C'est un cinéma conceptuel, mais pas intello. Et stimulant, baroque, surtout bluffant pour ce souffle de lLiberté qu'on ne trouve guère dans le cinéma contemporain (allez, Chris, por favore, une petite étoile en plus ?!) Bref, un artiste - même s'il s'avoue impuissant et dépassé au début - fait ce qu'il veut, ce qu'il peut, cherche, innove, brouille les pistes, se révèle généreux autant que foutraque. J'aurais aimé aimer ce film d'amour mais je l'ai apprécié ce matin pour son extravagance, son épatant mélange de politique et de poétique, avec ce coq visionnaire et ces ridicules agents du FMI pris en flagrant délit-délire de priapisme monétaire ! Certes, je n'ai pas tout compris (la baleine ? la sirène ?...), souvent largué, parfois tenté de regarder ma montre... Il n'empêche, quel punch, quelle inventivité, quel éblouissant pétage de plombs ! D'ailleurs Gomez est le premier à être lucide, mais son impuissance stimule sa créativité aussi brouillonne que généreuse. Dans la (magnifique) plaquette de présentation, il notait le 7 décembre 2013 (journal du tournage) : « Comment peut-on faire un film d’intervention sociale quand on veut filmer des histoires merveilleuses ? Comment filmer des fables intemporelles quand on est engagé avec le présent ? Je suis dans l’œil d’un ouragan et en même temps dans une voie sans issue… » Tel est le défi, pour le cinéaste comme pour les spectateurs. Alors oui, même au risque (pour une fois) d'être snob, mon conseil - que je m'applique à moi-même pour la suite de la trilogie en juillet puis en août : oubliez tout, suivez Shéhérazade et osez revisiter la Crise en faisant du hors-piste cinématographique ! Dépaysement, humour et implication garantis.
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C
On est globalement d'accord, mais mon plaisir a été un peu plus mitigé...