Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Christoblog

Boyhood

Rappelons d'abord le principe fondateur du film : Richard Linklater l'a tourné pendant 12 ans, à raison de quelques jours de tournage par an.

Il résulte de ce mécanisme osé le sentiment incroyable de saisir la texture du temps qui passe. Le monde entier semble vieillir de 12 ans sous nos yeux, pendant les 2h45 du film.

Les acteurs évoluent bien sûr physiquement. Le jeune Ellar Coltrane a 6 ans au début du film, 12 à la fin, et il est vertigineux de le voir muer de façon continue, comme sa soeur dans le film, qui est dans la vraie vie la fille du réalisateur. Patricia Arquette s'empâte progressivement alors que Ethan Hawke semble éternellement mince et séducteur.

Mais ce que propose le film est encore plus fort : l'environnement lui-même évolue constamment : voitures, téléphones, programmes télé, jeux vidéos, musiques, centres d'intérêt (la séance Harry Potter !). L'impression saisissante que procure le film est renforcé par le fait que les transitions entre les douze séquences sont extrêmement fluides. Certaines m'ont d'ailleurs échappé. Cette incroyable unité du film tient sur deux piliers : la capacité des acteurs de garder le bon "ton" d'année en année, et la cohérence du style de Linklater.

Si Boyhood est un objet filmique passionnant et même envoutant, c'est donc principalement en tant que peinture hyper-réaliste de la fuite du temps. Si on le regarde comme un film "normal", il est probable que le scénario (forcément écrit en partie au fil de l'eau) apparaîtra comme un peu faible. Le film ménage certes quelques moments de grâce (par exemple les morceaux de musique, ou quelques instantanés silencieux ou ralentis), mais il pourra sembler parfois ennuyeux aux spectateurs peu sensibles à sa proposition.

 

4e

Commenter cet article

S
Tu as raison de parler du style Linklater. Un film bavard et super touchant. Un moment de grace.depuis, j'attends de me laisser "saisir par le moment" ...
Répondre
B
Ce (long) film m'a enthousiasmé ! Et pas ennuyé un seul instant. Le meilleur de cet été pour moi (avec, bien sûr, le fascinant Winter sleep). A eux deux, 6 heures de bonheur !!!<br /> Très vite, on oublie la performance du tournage échelonné, tant on est pris par le &quot;roman vrai&quot; de la vie, ses mille facettes, ses rebondissements. Et tu as raison, Chris, d'insister sur l'unité du propos. Rien à voir avec des scénettes mises bout à bout, collées année après année. La fluidité des transitions (alors que les références culturelles changent) y est pour beaucoup. Chaque personnage - chaque personne, devrais-je écrire - évolue sous nos yeux, change, se confronte, mûrit (?) pour en définitive &quot;devenir lui-même&quot;. Et le réseau qui s'entretisse, ce n'est rien d'autre que la tendresse, la confiance réciproque (malgré les disputes et les divorces successifs !). <br /> Je suis sorti heureux de ce film, comme réconcilié avec la vie, parce que je m'y suis retrouvé, j'ai senti que la famille reste une valeur sûre malgré les (mes) propres accrocs ou faillites. Oui, ce film m'a fait vibrer parce que le temps qui passe n'est pas un temps vide et vain, avec des anecdotes bidon, avec des chichis (rien de proustien, ouf !) C'est fort, riche, varié, souvent drôle... la vraie vie, quoi ! Surtout beaucoup de générosité. Et en même temps, tellement de lucidité ! Du coup, il me semble que chaque spectateur (s'il est suffisamment sensible), tellement en empathie, peut s'identifier à CHACUN des &quot;personnages&quot;. Incroyable, non ? Bluffant. <br /> Bref, autant que le portrait d'une génération, le dernier opus de Richard Linklater est une œuvre universelle sur l'enfance et l'adolescence... et l'âge adulte (je me suis aussi dit, plusieurs fois, que trop souvent, croyant bien faire, les parents prennent en otages leurs mômes... qui ont du mérite de grandir.) Mais cahin caha tout le monde chemine. Du coup, c'est un film davantage optimiste que mélancolique : c'est la saga de tous les possibles ! Oui, un film qui donne la pêche sans être mitonné à l'eau de rose. Une gageure, non ? <br /> <br /> Post scriptum : le réalisateur a tout de même eu une sacrée chance. Que serait-il advenu de son projet si le jeune Mason (qui a 18 ans à la fin, Chris, et non pas 12 !) était devenu au fil des ans moche, camé, bouffi ?!!! Or, Ellar Coltrane irradie de la première image à la dernière. Toute cette famille devrait d'ailleurs avoir un grand Prix collectif d'interprétation... et de persévérance.<br /> <br /> PS 2 : désolé, malgré mes bonnes résolutions, j'ai été une fois de plus trop long !!! Sorry.
Répondre
C
Je partage ce que tu dis. Je me suis également posé la question de la &quot;loterie&quot; que constituait l'évolution des personnages pendant 12 ans. Une possibilité dramatique existait notamment : que l'un meurt ! Je pense que le scénario devait s'adapter en fonction. L'aspect légèrement dépressif du garçon par exemple reflète peut-être sa propre personnalité...